Jules Grandin Profile picture
Cartographe / Reponsable du service infographie @LesEchos / ex @lemondefr / Prof @sciencespoEDJ / 50% de @GoumProd / Derrière @LittleBigData_ et #thingsMap

Sep 6, 2018, 18 tweets

On retrouve ce #grandMalade de La Condamine dans le Pérou du XVIIIe siècle : alors que ses collègues académiciens rentrent en France en empruntant le chemin de l'aller, lui décide de traverser seul le continent d'Ouest en Est en descendant l'Amazone ⬇️🌎

Pour savoir comment il en est arrivé là, vous pouvez lire la première partie de l'histoire ici ⬇️

A cette époque, aucun européen (et peut être même personne du tout) n'a jamais descendu l'Amazone en entier : c'est plutôt du genre très dangereux, avec pas mal de rapides, et la forêt et le fleuve sont sujets à pas mal de légendes qui feraient peur à n'importe qui

Pourquoi choisir de faire ça du coup ? Plusieurs réponses : déjà, La Condamine est un grand frapadingue de l'exploration, et nous l'a déjà prouvé en tenant absolument à identifier (seul) le point d'intersection entre l'équateur et la côte Ouest du Pérou

Mais surtout, à cette époque, aucun occidental n'a réalisé cette traversée du continent en descendant le fleuve. On sait juste qu'un jésuite allemand, Samuel Fritz, en a descendu une partie fin XVII. La Condamine espère sûrement impressionner l'Académie en réalisant ce voyage

Il faut savoir qu'à ce stade, La Condamine a un seum mémorable : à plusieurs reprises lors de l'expédition, il avait pesté contre la lenteur des mesures, redoutant de se faire voler la vedette par l'équipe de Maupertuis.

Et c'est précisément ce qui est arrivé.

Il en parle dès la page 3 de son livre sur l'Amazonie : « Nous sommes arrivés sept ans trop tard pour apprendre à l'Europe quelque chose de nouveau sur la Figure de la Terre »

Et il poursuit sur le même thème "Géodésie & seum mémorable" dans sa « Relation d'un voyage dans l'intérieur de l'Amérique méridionale ». Donc ça + son attrait pour l'aventure = il se lance dans la descente de l'Amazone en solo (avec 2 indiens pour guider et manoeuvrer le canot)

Il établit une carte aussi précise que possible du fleuve et du continent au cours de son voyage, mais étudie aussi les plantes, les arbres, les animaux, les techniques des indigènes, prélève des échantillons etc. Il consignera tout ça dans un livre

Au cours de sa descente, il va notamment s'intéresser à un arbre dont les Indiens utilisent la sève (c'est en fait un arbre à caoutchouc). Il prélève des échantillons pour les rapporter en France (et se fera même un sac avec pour ranger ses affaires et les protéger de l'humidité)

Il découvre également l'arbre quinquina, dont est extraite la quinine et que les Indiens utilisent pour se soigner, ainsi que l'utilisation du curare (il sera particulèrement impressionné par les techniques de chasse à la sarbacane des Indiens d'Amazonie)

Enfin, il décrit de nombreux animaux, et des phénomènes naturels se produisant en milieu tropical, chaque halte étant prétexte à une nouvelle expérience. Et il dessine une carte annotée à main levée pendant sa descente de l'Amazone

Il note tout ce qu'il voit ce qui fait qu'on trouve sur cette carte des mentions trop mignonnes comme par exemple « DES CAMELEONS »

Arrivé au terme de son expédition, à Cayenne, il décide de remonter jusqu'en Guyane hollandaise pour y embarquer, et minimiser sa chance de se faire attaquer par des pirates en embarquant sur un bateau battant pavillon français

La Condamine arrive finalement à Paris le 23 février 1745, et présente ses conclusions devant l'Académie, trop tard pour récolter la gloire de Maupertuis... Mais ses recherches en botanique, géographie, la précision de ses mesures et sa descente de l'Amazone lui valent la gloire

...même s'il prendra mal la pique que Voltaire lui adressera : « Vous avez confirmé dans ces lieux plein d'ennui / Ce que Newton connut sans sortir de chez lui ». #Merci François-Marie, c'est trop sympa de ta part, toujours le mot qui fait plaisir

Voilà comment se finit cette incroyable aventure cartographique. La Condamine continuera de voyager jusqu'à sa mort en 1774, tout comme il voyageait déjà avant le Pérou sur tout le pourtour de la Méditerranée

Il nous rappelle l'époque où la cartographie était intimement liée à l'exploration, au voyage et à la découverte. Aujourd'hui, le lycée franco-equatorien de Quito porte son nom !

Share this Scrolly Tale with your friends.

A Scrolly Tale is a new way to read Twitter threads with a more visually immersive experience.
Discover more beautiful Scrolly Tales like this.

Keep scrolling