Thread by @ThomasBaietto

Cette fois-ci, ce devrait être la bonne ! Retour au palais de Justice de Paris pour le procès de deux hommes accusés d'avoir harcelé la journaliste Nadia Daam. Audience à 9h, LT à suivre.

Les faits remontent à novembre. Après une chronique critiquant le forum Blabla 18-25 de jeuxvideo.com , Nadia Daam reçoit insultes et menaces diverses. On vient même frapper à sa porte en pleine nuit.

francetvinfo.fr/societe/harcel…

Il y a un mois, le procès avait été renvoyé parce que l'avocat de la défense, Me Stéphane Babonneau, n'avait pas reçu le dossier dans les temps.

La plaignante espère que ce procès servira d'avertissement pour les trolls. "Personne n'imaginait qu'on pouvait comparaître pour ces faits. Cela arrivait peu", m'avait-elle expliqué en juin. Son avocat, @EricMorain, parle d'"une revanche de la réalité".

Bonne nouvelle, "c'est bon pour les tweets", vient de nous signaler un gendarme un peu tatillon. "Ce qui est interdit, c'est d'enregistrer, de photographier ou de filmer", vient de lui rappeler un magistrat.

La petite salle d'audience du 6e étage du nouveau palais de Justice est bien remplie (un peu comme la @Ligne13_RATP qui y mène). Il y a même une petite dame sur une chaise pliante. Nadia Daam vient d'arriver.

Les deux prévenus, connus sous les pseudonymes de tintindealer et quatrecenttrois sur jeuxvideo.com, sont eux aussi présents ce matin.

L'audience est ouverte. On a failli commencer avec les trolls de Nadia Daam. Deux hommes, dont l'un semble très jeune, se sont présentés à la barre. Mais l'un des avocats de la défense n'est pas encore là. Il va falloir patienter donc...

(Je vous épargne les détails de l'affaire jugée en ce moment, un cycliste percuté par un homme qui roulait sans permis)

La configuration de la salle fait que les deux prévenus sont assis tout près de Nadia Daam, sur le même banc et juste derrière. Ils écoutent, bras croisés, le chauffard expliquer que ce n'était "pas voulu"

On attends toujours l'un des avocats de la défense. La juge enchaîne avec une autre affaire.

A noter que le procès est suivi de près par les "kheys", la communauté du forum 18-25 de jeuxvideo.com. Ici jeuxvideo.com/forums/42-51-5… et là discordapp.com/channels/46360…

("à votre avis parmi les 40 en ligne, lequel est le journaliste ? :smiley:" 🙃)

("Je ban qui aussi ? je sais pas quel pseudo il a pris ce con :hap:")

On est toujours sur la deuxième affaire. Je ne sais pas si l'avocat de la défense est arrivé. Patience, patience...

C'est parti. Le premier prévenu est né en 1997 et il est technicien chez France Telecom. Il est accusé d'avoir fait un photomontage avec la tête de #NadiaDaam

Le second est né en 1983 et est administrateur de base de données. Il lui est reproché d'avoir écrit sous le pseudonyme quatrecenttrois sur jeuxvideo.com : "je lui remplis sa petite bouche de mon foutre". "Ce qui constitue une menace de viol", précise la présidente

La présidente déroule le contexte des faits : tentatives de piratage, inscriptions sur un site pédophile, insultes, photos de la fille de la plaignante sur Discord, coup de pied en pleine nuit dans la porte... "Tout une escalade de choses", constate la présidente

Elle s'arrête sur le photomontage reproché à "Tintindealer" : "la photo représente Madame en t-shirt orange, avec un homme en noir, drapeau de Daesh, avec ce message 'Nadia Daam en face à face avec un kheys'"

La présidente parle de l'enquête. "Sur Discord, cela n'a pas été possible d'identifier les auteurs, tout comme sur d'autres sites. Au total, sept ont été identifiés"

"Vous n'étiez pas que deux internautes dans tout ça, mais il y a une escalade à laquelle vous avez participé", pose la juge

Elle s'adresse à "TintinDealer" : "Vous êtes donc bien l'auteur du montage photo de Madame avec les terroristes ?
- Exactement
- Dans le contexte actuel, vous vous rendez compte de la violence ?"

"Je n'avais pas pris en compte que c'était menaçant", répond TintinDealer. "Mais vous vivez sur la même planète, non ?", réplique la juge

TintinDealer, le prévenu né en 1997, peine à justifier son montage. "Je demande pardon", glisse-t-il brièvement en se tournant vers la salle.

"J'ai compris lors de ma garde à vue qu'elle avait menacée. Je n'étais pas au courant. Je ne savais pas que quelqu'un d'autre l'avait menacé", assure-t-il. "Je ne vois pas la connotation humoristique monsieur", cingle la juge.

"C'est vrai que ce n'est pas vraiment humoristique", reconnaît TintinDealer. "Je ne savais pas que beaucoup de personnes allaient le voir".
- Mais vous croyez que ça va atterrir dans les mains de qui si vous le postez sur Twitter ?", répond la juge.

La juge : "Vous avez dit 'avec le recul, je comprends que c'est très grave et je m'en excuse'. Vous n'avez rien posté d'autres ? - Non"

"Si je savais, j'aurais pas fait", se défend maladroitement le prévenu, en répétant qu'il n'était pas au courant de la campagne de harcèlement contre #NadiaDaam. "Mais comment vous avez eu l'idée alors ?", réplique la juge, pas convaincue

Le procureur intervient : "Vous n'avez pas entendu la chronique en entier ?
- J'ai entendu les insultes.
- Pourquoi vous postez cette image ?
- J'ai voulu faire le malin, en fait..."

La juge reprend la parole pour poser la question de la proportionnalité des choses, en parlant de "violence extrême". "C'est totalement disproportionné", reconnaît le prévenu

"C'est difficile monsieur d'isoler cette photo de tous ce qui se passaient depuis cinq jours", reprend la juge. "Je ne savais pas qu'elle était menacée", répète TintinDealer

L'avocat de #NadiaDaam, @EricMorain, intervient : "Twitter, c'est public. Vous le saviez ça ? - Oui - Est-ce que depuis vous l'avez écouté en entier la chronique ? - Oui. Finalement, elle avait raison. Toutes les menaces, c'est très grave. C'est inacceptable."

"Si j'avais su, j'aurais peut-être été son soutien", tente TintinDealer.
- Vous n'avez pas illustrer ce que Nadia Daam avait dit sur le forum ?, relance Eric Morain.
- Oui

L'avocat du prévenu demande à son client de dire au tribunal sa réaction à la lecture des propos tenus contre Nadia Daam. "Ça m'a choqué", assure TintinDealer. "Depuis ces faits, j'ai fermé mon compte. Je n'ai jamais insulté quelqu'un d'autre", poursuit le jeune homme.

"Je me suis senti insulté par sa chronique. Elle a pris à partie tout le forum pour avoir harcelé le numéro anti-relou. En fait moi j'ai jamais appelé sur ce numéro, ce sont justes quelques personnes", poursuit TintinDealer

A la demande de son avocat, TintinDealer lâche : "je n'ai pas de problème avec les féministes"

C'est au tour de "quatrecenttrois" d'être interrogé. "Vous avez dit que vous vouliez infiltrer le forum. Vous avez dit que vous ne vous souveniez plus de ce que vous avez dit, mais que vous avez en sorte qu'il soit le plus cru possible pour attirer les racistes", dit la juge

Le prévenu lâche sa thèse de l'infiltration. "J'étais sous pression de la police. J'ai échafaudé des explications fantaisistes. La vérité, c'est que je suis un internaute lambda du forum, qui poste de temps en temps des messages à caractère trollesque", dit-il

"Je n'ai eu aucune intention de menacer", dit celui qui avait écrit "je lui remplis sa petite bouche de mon foutre". "En quoi est-ce 'trollesque' de menacer une femme de viol ?", demande la juge.

"Je n'ai pas été très inspiré", dit le prévenu.
- Non, c'est beaucoup plus grave que ça monsieur. Ça veut dire quoi à part lui imposer une fellation ?", dit la juge qui dénonce la "désinvolture" du prévenu.

"J'avoue, je ne suis pas Guillaume Apollinaire", dit quatrecenttrois. Murmures dans la salle.
- Personne n'est obligé d'être Guillaume Apollinaire s'il reste tranquille chez soi. Mais là, vous publiez Monsieur", dit la juge.

"Je regrette amèrement ce message. Ma vie a changé avec ce message posté en 2-3 secondes", dit quatrecenttrois. Le prévenu précise qu'il a été mis à pied après cette histoire et qu'il risque d'être licencié.

"C'est grave de ne pas se rendre compte de la gravité des faits à 35 ans. Ce n'est pas son métier à cette dame de se faire insulter, son métier, c'est journaliste", dit la juge.

"Je fais moins le malin au tribunal correctionnel", glisse le prévenu.
- C'est sûr que c'est plus simple derrière son écran", dit la juge.

On résume la défense des deux prévenus :
- on n'avait pas conscience du contexte de harcèlement
- on ne se rendait pas compte que c'était une menace
- on regrette #NadiaDaam

Le procureur intervient : "pour vous, ce qui pose problème, c'est le retentissement ?". Comme la juge, il trouve que le prévenu est surtout désolé pour les conséquences sur sa propre vie. "Et sa vie à elle ?", lâche le procureur

Aucun de deux prévenus n'a été condamné par le passé, précise la juge. C'est au tour de #NadiaDaam de prendre la parole.

"Ça a duré extrêmement longtemps. Cela continue encore aujourd'hui, même si je ne peux pas le savoir moi parce que j'ai quitté les réseaux sociaux, qui étaient pourtant mon outil de travail", dit #NadiaDaam

"C'est quelque chose avec lequel ma fille et moi vivons depuis 8 mois. Et cela va au-delà d'une mise à pied. Je n'ai pas dormi chez moi les premiers jours, ma fille a manqué des jours d'école", dit-elle

"C'est compliqué d'expliquer à une petite fille de 12 ans qu'il y a son nom qui circule sur internet. Elle google ses parents comme tous les ados. Elle va grandir avec des photomontages de sa mère qui se fait violer", poursuit Nadia Daam

"Il n'y a pas de barrière étanche entre internet et la vraie vie. On peut couper Twitter, mais on peut pas s'arrêter de marcher dans la rue. Les premiers jours, on se dit que ces gens-là vont p-e croiser son chemin", rappelle la chroniqueuse d'@Europe1

"C'est un monde vraiment dégueulasse. La manière dont le forum que vous avez défendu a sali ma vie et celle de ma fille", dit Nadia Daam en s'adressant aux deux prévenus

Elle raconte qu'elle a été cambriolée le jour de la première audience (5 juin). "Ma porte avait été défoncée, mais on ne m'avait rien volé sauf les ordinateurs et les tablettes", précise-t-elle

Témoignage terminé. C'est au tour d'@EricMorain, avocat de #NadiaDaam, de prendre la parole. "C'est quand même une sacrée revanche de la réalité. Pas une vengeance, une revanche", commence-t-il

"De l'autre côté d'un écran et au-delà même, dans le quotidien d'une vie de famille, il y a de vrais gens", poursuit @EricMorain

"La milf brunette dont on veut remplir sa bouche de foutre, il faut d'abord qu'elle soit d'accord. Le consentement, vous ne l'avez pas recueilli monsieur", dit l'avocat de #NadiaDaam

"Troll, ce n'est pas dans le code pénal, ce n'est pas une excuse monsieur", lance @EricMorain

"Ces 8 mois ont changé la vie d'une femme et d'une petite fille de 12 ans (...) Ce n'est pas qu'une image. Derrière le clavier, il y a un autre écran, qu'elle se prend en pleine face", plaide @EricMorain

L'avocat de #NadiaDaam demande 10 000 euros de dommages et intérêts

Le procureur prend la parole : "je souhaite que les deux prévenus prennent la mesure de ce qui leur est reproché (...) Ce qui est évident, c'est la vérité de la souffrance exprimée à la barre. Cette souffrance, j'espère qu'elle résonnera"

"Je ne vais pas faire le procès des réseaux sociaux. On y trouve le meilleur et le pire (...) Ces prévenus incarnent la violence sous pseudonyme", poursuit le procureur

Le procureur s'attarde sur "Quatrecenttrois". "Il nous a livré des explications qui nous ont tous interloquées. Vous avez quelqu'un qui est toujours dans son monde virtuel et n'a pas pris conscience de la réalité"

Il passe à Tintindealer, pose l'hypothèse de la "fausse naïveté". "Ce qui est sûr, c'est que vous avez affaire à quelqu'un qui regrette ce qu'il a fait", développe le procureur, qui pense qu'"on ne l'y reprendra plus".

Réquisition contre Tintindealer : cinq mois d'emprisonnement avec sursis
Réquisition contre Quatrecenttrois : huit mois d'emprisonnement avec sursis

"Si je fais une différence, c'est que je n'ai pas senti chez lui des excuses sincères", dit le procureur

L'avocat de TintinDealer prend la parole. Il commence par compatir avec #NadiaDaam, puis à propos de son client : "Il ne peut pas porter la responsabilité de tous ces propos violents"

"Monsieur n'a aucunement participé à la saturation de la ligne anti-relou, il n'a à aucun moment eu connaissance de l'ampleur des réactions après l’intervention de Mme Daam. A aucun moment, il n'a souhaité s'associer à ces gens là", assure l'avocat de Tintindealer

"Aujourd'hui, c'est quelqu'un de honteux qui se présente devant vous, qui regrette amèrement. C'est quelque chose que vous devez entendre", plaide l'avocat de Tintindealer

Il décrit son client comme "quelqu'un qui passe du temps sur son ordinateur" et a une "vie sociale extrêmement réduite"

L'avocat lit maintenant un extrait de la chronique de #NadiaDaam. "Quand monsieur entend ça, il se sent insulté. Il réagit mal, il s'en excuse aujourd'hui mais voilà les raison"

L'avocat de Tintindealer parle de "gamineries". "Il vous l'a dit, il voulait faire le malin. C'est quelqu'un qui n'avait pas conscience de la gravité de ce qu'il allait faire"

"Nous aurions aimé que soit présentée devant vous les personnes qui ont frappé à la porte de #NadiaDaam, qui ont cherché son adresse", conclut l'avocat de TintinDealer

C'est maintenant l'avocat de "Quatrecenttrois". Il commence par reconnaître la gravité de ce qui est arrivé à #NadiaDaam. "Je ne défends que monsieur, qui a écrit quelque chose de grossier, sexiste, injurieux mais n'est pas une menace de commettre un crime", commence-t-il

"Je ne sais pas comment marche les réseaux sociaux mais je connais le code pénal et la jurisprudence. Il faut revenir au droit", plaide-t-il. Il insiste sur le fait qu'une menace doit être "sans ambiguïté"

Il cite d'autres propos, plus circonstanciés, pour faire la différence avec ce qu'a dit son client. "Ce n'est pas une menace", plaide-t-il

"Vous lui avez demandé 'si vous aviez été présent devant cette dame, vous lui auriez dit la même chose ?', il a répondu non", poursuit l'avocat de Quatrecenttrois. "Il n'avait pas l'intention de menacer Mme Daam"

"S'il avait écrit 'la milf brunette, je lui taille les oreilles en pointe', c'est moins vulgaire, on ne serait pas ici à lui demander s'il a essayé de prendre de ciseaux pour le faire (...) C'était une image", poursuit-il

"Est-ce que lorsqu'il a écrit ce message, est-ce qu'il savait que cela allait remonter aux oreilles de Mme Daam ? (...) Non", poursuit l'avocat, qui insiste sur le fait que le message incriminé avait été posté au début de l'affaire (contrairement à l'autre prévenu)

"Si Monsieur comparait devant vous, ce n'est pas parce que sa phrase était la plus grave, c'est parce que les enquêteurs ont réussi à l'identifier", plaide encore l'avocat de Quatrecenttrois

TintinDealer se tourne vers #NadiaDaam. "Vous me regardez moi", dit la juge. "Je voudrais lui demander pardon, je ne savais pas qu'elle était menacée. Je ne voudrais pas porter le poids de toutes ces péripéties. Je suis l'auteur d'un message, d'autres en ont envoyé de plus durs"

Au tour de Quatrecenttrois : "le témoignage de Nadia Daam m'a ému, je le regrettais, je le regrette encore plus. Je l'ai en pleine face"

C'est terminé. La décision sera rendue tout à l'heure, après la suspension d'audience #NadiaDaam

L'audience reprend. La juge va rendre sa décision dans les sept affaires jugées ce matin #NadiaDaam

Voici les condamnations des trolls de #NadiaDaam :
- Tintindealer : six mois avec sursis
- Quatrecenttrois : six mois avec sursis

Les deux hommes sont également condamnés à lui verser 2000 euros chacun pour préjudice moral #NadiaDaam

"C’était déjà une belle victoire que ce procès se tienne. Cette décision nous satisfait (...) Cela va permettre de prendre en considération ces faits bien réels" réagit @EricMorain

#NadiaDaam se dit "soulagée parce que c’est fini. J’ai le sentiment qu’il s’est passé un truc, on n’a pas nié la gravité des faits"

C’est la fin de ce LT. Merci de m’avoir suivi 👋 Article à venir sur @franceinfoplus

PS : Pour le procès vu par les "kheys" du forum Jeuxvideo.com, c'est ici 👇

https://twitter.com/carvalho_nico/status/1014074277421813760

Le voici : qui sont les trolls condamnés pour avoir harcelé #NadiaDaam ? francetvinfo.fr/internet/resea…