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Jul 14, 2018 136 tweets 53 min read Twitter logo Read on Twitter
Nous sommes le #14Juillet, la fête nationale de la France, le pays des Lumières, la nation des droits de l'homme. De quoi être fier de son pays, n'est-ce pas ? C'est vite dit.
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En France, en 2018, il n'y a que 61 000 places de prison pour près de 69 000 détenus (lemonde.fr/les-decodeurs/…) : cela conduit à une surpopulation carcérale, qui génère des conditions de vie contraires à la dignité humaine. #14Juillet #prison
À tel point que, rapporte l'@OIP_sectionfr, 37 prisons ont été condamnées pour leurs conditions de détention indignes oip.org/infographie/36…. Diverses ONG critiquent régulièrement l'état de délabrement de certaines prisons.
La prison de Fresnes, par ex., a été condamnée par un tribunal administratif pour ses cours de promenade oip.org/communique/un-… et fait l'objet de recours devant la CEDH oip.org/communique/les… […]
après notamment un rapport de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (cglpl.fr/2016/recommand…) relevant « des violations graves des droits fondamentaux » : surpopulation, omniprésence de rats et de punaises de lit, exiguïté des lieux, manque de personnel, etc.
Elle devrait enfin être rénovée, indique @libe : liberation.fr/france/2018/06…. Quelques photos : franceinter.fr/justice/fresne…. (photo : J.-C. Hanché)
La France a été condamnée à de multiples reprises par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) : surpopulation carcérale (oip.org/communique/la-…), traitements indignes infligés aux détenus (lefigaro.fr/flash-actu/201…), promiscuité et délabrement (abonnes.lemonde.fr/societe/articl…)…
Voilà pour les prisons, dignes d'une grande démocratie #14Juillet. L'occasion de citer la célèbre phrase attribuée à Albert Camus : « Une société se juge à l’état de ses prisons ».
Remontons maintenant à 2007, sous l'ère Sarkozy : la France accueille en grandes pompes le colonel Mouammar Kadhafi, dirigeant du dictatorial régime libyen
liberation.fr/planete/2007/1…. Un témoignage de l'importance du respect des droits humains aux yeux de l'État français. #14juillet
L'année suivante, à l'occasion du défilé du #14juillet, c'est cette fois
Bachar el-Assad – dictateur syrien – qui est l'invité de la France, du pays des droits de l'homme.
Ce ne sont pas des faits isolés : s'ils sont surtout symboliques, ils s'accompagnent d'actions beaucoup plus concrètes de la France à l'étranger, dans des pays où les droits humains sont quotidiennement bafoués. #14juillet
Ainsi, entre 2008 et 2011, l'entreprise française Amesys vend à l'État libyen un système de surveillance généralisée (internet, tél., etc.) de son peuple, « EAGLE » ; révélation par le Wall Street Journal, @_reflets_ et @OWNI : reflets.info/articles/proba… / owni.fr/2011/06/10/la-….
Le tout avec la très probable autorisation de l'État (obligatoire pour une pareille vente) et le concours de Ziad Takieddine (proche de Guéant et impliqué dans l'affaire Sarkozy-Kadhafi, cf. fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_S…). Un petit résumé par ici : telerama.fr/medias/amesys-….
La @fidh_fr et la @LDH_Fr portent plainte pour « complicité d'actes de torture » (puisque le logiciel EAGLE permet au pouvoir libyen d'arrêter des opposants politiques, des citoyens, et de les maltraiter) : lepoint.fr/monde/libye-la… / lexpress.fr/actualite/soci…
L'État s'engage de son côté à mieux contrôler la vente à des pays étrangers de technologies qui peuvent être utilisées pour commettre des violations des droits humains.
Quelques années après, cependant, surprise : l'histoire se répète. Amesys, après le scandale, est devenue Nexa Technologies. Et vend allègrement le logiciel successeur d'EAGLE, outil de surveillance de masse, à des régimes qui ne respectent pas les droits de l'homme. #14Juillet
Ainsi, en 2014, l'État français reçoit de Nexa Technologies une demande d'autorisation de vente de son logiciel à l'Égypte d'Al-Sissi (qui déroge à peu près à tous les droits humains). Et refuse de statuer, autorisant de fait la vente.
Le journaliste @oliviertesquet raconte tout cela dans @Telerama : telerama.fr/monde/amesys-l…. (Version courte : abonnes.lemonde.fr/pixels/article….)
Une fois encore, la France s'illustre pour son attachement aux droits de l'homme. #14Juillet

NB : le parquet de Paris ouvre en décembre 2017 une nouvelle information judiciaire, pour « complicité d’actes de torture et disparitions forcées » telerama.fr/monde/vente-de….
À noter que @_reflets_ a révélé récemment que Nexa Technologies avait également vendu du matériel de surveillance au Maroc (autre pays peu respectueux des droits de l'homme), entre 2010 et 2012 reflets.info/articles/la-li…. Lire aussi : liberation.fr/planete/2017/1…
Ça, c'était pour l'aspect le moins connu de l'influence (néfaste, terrible, honteuse, abjecte, etc.) de la France à l'étranger en matière de droits de l'homme. L'aspect le plus connu, qui est d'actualité en ce #14Juillet, jour de défilé militaire : la vente d'armes à l'étranger.
La France vend ainsi, depuis des années, des armes (avions de chasse, munitions, véhicules blindés terrestres, etc.) à des États non démocratiques, voire qui les utilisent pour commettre des violations des droits de l'homme et/ou des crimes de guerre.
Parmi les bénéficiaires de ces ventes : l'Égypte d'al-Sissi (oui, encore elle), y compris pour une future vente de rafales (lexpress.fr/actualite/mond…).
[L'occasion de noter qu'Emmanuel Macron a invité en France le président
Al-Sissi fin 2017, provoquant l'ire des associations de défense des droits humains : afrique.latribune.fr/politique/gouv…]
Par exemple, des véhicules vendus à l'Égypte par Renault Trucks Defense avec l'accord de la France ont été utilisés dans le massacre de la place Rabia-El-Adaouïa en 2013 liberation.fr/planete/2018/0…, qui a fait plus de 600 morts (fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_…).
Quatre ONG (dont @fidh_fr et @LDH_Fr) ont demandé l'ouverture d'une enquête parlementaire sur ces ventes d'armes, autorisées par l'État français : abonnes.lemonde.fr/international/… #14Juillet
Des armes ont été aussi vendues à la Russie et la Chine, et surtout à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis (qui font partie de la coalition intervenant au Yémen fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_du…, accusée de violations du droit humanitaire international, cf. amnesty.fr/controle-des-a…)
Ce dernier pays a d'ailleurs tout récemment été accusé de crimes contre l'humanité par @amnesty : lemonde.fr/international/….
L'ensemble de ces ventes d'armes à des pays étrangers ne respectant pas les droits humains est documenté par Amnesty notamment : amnesty.fr/controle-des-a… (2017), amnesty.fr/controle-des-a… (2018).
Une fois de plus, la France s'illustre par sa volonté de défendre et promouvoir les droits de l'homme. #14juillet
Tout cela concerne le respect des droits humains à l'étranger. Revenons au territoire national. La devise de la France est la suivante : « Liberté, égalité fraternité ». Mais qu'en est-il dans les faits, en matière de droits humains, de libertés individuelles et publiques ?
Nous sommes en 2007. Aparté : globalement, je ne remonterai pas plus loin, pour la simple raison que c'est globalement l'époque (fin de collège) à laquelle j'ai commencé à m'intéresser au monde qui m'entourait, à lire la presse.
En 2007, donc, Nicolas Sarkozy est élu président de la République. Il crée un « ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement », sur une idée de Patrick Buisson (ex journaliste d'extrême droite). #14Juillet
L'intitulé du ministère donne déjà l'ambiance. Sarkozy et son gouvernement établissent notamment des quotas de reconduite à la frontière. Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux convoque même les préfets qui ne les atteignent pas.
Les ONG critiquent, à juste titre, une politique du chiffre irrespectueuse des humains concernés et de leurs situations individuelles diverses lemonde.fr/societe/articl…. Le Réseau éducation sans frontière (RESF) illustre par des exemples cette politique : educationsansfrontieres.org/?article8013
Cette politique du chiffre entraîne également une multiplication des contrôles au faciès (les policiers doivent tenir les quotas !) ; la justice les désapprouve parfois explicitement, comme dans cet exemple à Rennes : nouvelobs.com/rue89/rue89-no…
Un beau symbole au pays des droits de l'homme #14juillet. Sans compter que les conditions de reconduite à la frontière sont semées de quelques décès et de diverses polémiques.
En 2003, déjà, alors que Sarkozy est ministre de l'Intérieur, l'on envisage diverses méthodes pour faciliter l'embarquement des migrants : « bâillon adhésif, cocktail somnifère, bandes Velcro, compression du thorax ou coussin étouffeur de cris. » liberation.fr/societe/2003/0…
Ce malgré deux morts les mois précédents. En 2016, @streetpress rapporte que les passagers d'un avion ont refusé l'embarquement d'un sans-papiers : streetpress.com/sujet/14738654…. En 2017, le cas d'un Algérien suscite également l'indignation de passagers : observers.france24.com/fr/20171212-fr…
Ce malgré deux morts les mois précédents. En 2016, @streetpress rapporte que les passagers d'un avion ont refusé l'embarquement d'un sans-papiers : streetpress.com/sujet/14738654…. En 2017, le cas d'un Algérien suscite également l'indignation de passagers : observers.france24.com/fr/20171212-fr…
Ces méthodes de coercition, qui vont au-delà d'une simple entrave des mains, semblent peu respectueuses de la dignité humaine — c'est ce qu'indique en substance le @Defenseurdroits à France 24 (lien supra).
En septembre 2007, Michel Tubiana, président d'honneur de la @LDH_Fr, écrit ainsi dans Le Monde une tribune intitulée « Xénophobie d'État » : lemonde.fr/idees/article/…. Lire aussi : lemonde.fr/societe/articl…, publié avant l'élection de Sarkozy.
Sautons à 2009 : le Sarkozy lance un « débat sur l'identité nationale ». Qui tourne rapidement à la stigmatisation de l'islam et des pratiquants musulmans, avec amalgames au menu. lemonde.fr/politique/arti…
Dans la foulée, le 30 juillet 2010, il prononce son célèbre (mais funeste) discours de Grenoble (lefigaro.fr/politique/le-s…), dans lequel il pointe l'immigration comme cause première de l'insécurité : « nous subissons les conséquences de 50 années d'immigration ».
Il annonce moult mesures sécuritaires, allant de la déchéance de nationalité (projet qu'il abandonnera) à l'introduction de peines plancher pour les mineurs. 13 articles de loi seront censurés par le Conseil constitutionnel, un record dans la Ve république lemonde.fr/politique/arti…
Non content de stigmatiser les immigrés et les musulmans, il jette aussi l'opprobre sur la communauté Rom. À la suite de violences commises par un petit groupe de Roms, lui et son gouvernement ciblent par circulaire les camps roms illégaux dont ils exigent l'évacuation.
La France se montre si respectueuse des droits de l'homme que l'ONU (son Comité pour l'élimination de la discrimination raciale) la critique lexpress.fr/actualite/soci… et que la commissaire européenne de la justice déclenche une procédure d'infraction lemonde.fr/societe/articl….
La @LDH_Fr se fend pour l'occasion d'un communiqué titré : «
La xénophobie de Nicolas Sarkozy menace la démocratie »
ldh-france.org/La-xenophobie-…. #14Juillet
Autant dire que pour la mise en œuvre de la devise « Liberté, égalité, fraternité », on repassera. #14Juillet
L'ère Sarkozy a aussi été marquée par des attaques répétées de l'exécutif à l'égard du pouvoir judiciaire (dont l'indépendance est pourtant essentielle au fonctionnement démocratique du pays). syndicat-magistrature.org/Lettre-ouverte… / lemonde.fr/idees/article/… / lemonde.fr/societe/articl…
Voilà pour la présidence Sarkozy. Mais les manquements aux droits humains, aux libertés individuelles et publiques ne sont pas l'apanage de la droite. La présidence de François Hollande a été marquée d'un plus fort recul, encore, des libertés publiques.
Mais je commence à fatiguer, alors cela fera l'objet d'une suite plus tard dans cette journée du #14Juillet, fête nationale du pays des droits de l'homme, la France.
[Spoiler] On causera état d'urgence et lutte contre le terrorisme, avec toutes les conséquences (dont vie privée/libertés numériques). Puis sous Macron : immigration (encore), état d'urgence et lutte contre le terrorisme (encore), liberté de la presse, liberté de manifester.
Je reprends la liste des réjouissances. Alors, l'ami Hollande : il y a eu l'ouverture du mariage aux homos. Ça, c'était cool. Ensuite, il y a eu des attentats, à répétition, et dès ceux de Charlie Hebdo, on a eu le droit à l'état d'urgence. Renouvelé cinq fois.
L'état d'urgence introduit des mesures exceptionnelles qui ne font pas partie de l'état de droit. Il consiste notamment à accroître le pouvoir de l'exécutif aux dépens du pouvoir judiciaire, jugé trop lent en situation exceptionnelle.
Sauf que les mesures que peut prendre le pouvoir administratif restreignent les libertés publiques (par ex. : interdiction de manifestation) et individuelles (par ex. : assignation à résidence) sans véritable contrôle du judiciaire, ce qui ouvre la porte à l'arbitraire.
Et ça n'a pas manqué : des abus, pendant l'état d'urgence (14 novembre 2015 au 30 octobre 2017), il y en a eu. @amnestyfrance y consacre un rapport entier : « Des vies bouleversées. L'impact démesuré de l'état d'urgence en France » amnestyfr.cdn.prismic.io/amnestyfr%2F77…
Prenons quelques exemples : il y a eu des musulmans visés par des perquisitions ordonnées par le pouvoir administratif (et non par la justice, comme usuellement), sans motif clair (« menace pour l’ordre et la sécurité publics ») ; ils n'ont jamais su ce dont on les soupçonnait.
Le tout avec parfois des violences, notamment verbales (remarques islamophobes), de policiers. Et des conséquences non-négligeables : licenciement (abusif) par l'employeur, commérages des voisins, etc. Tout ça sans que ces personnes ne se voient rien reprocher par la justice.
L'assignation à résidence, sous l'état d'urgence, est possible lorsqu'il « existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». Des musulmans se sont ainsi retrouvés assignés à résidence sans vraies explications.
Sur de vagues soupçons souvent évoqués succinctement dans une note blanche (non signée) des services de renseignements : accusation d'être « radicalisés », voire simple présence dans l'entourage d'une personne « radicalisée ».
L'assignation à résidence empêche la personne visée de sortir d'un certain périmètre et l'oblige à pointer à la gendarmerie ou au commissariat de police une à trois fois par jour. La liberté de circulation, celle de travailler et la vie privée s'en trouve affectées. #14Juillet
En plus de constituer une limitation des libertés individuelles sans preuve d'un quelconque délit, à titre préventif, ces mesures ont essentiellement visé une catégorie de personnes (les musulmans), leur conférant un aspect discriminatoire.
Cependant, les musulmans n'ont pas été les seuls visés. L'état d'urgence a allègrement été détourné de son objet premier (lutter contre le terrorisme) pour devenir un outil plus général de maintien de l'ordre, voire de censure politique.
À l'occasion de la COP21 (conférence sur le climat) à Paris, des militants écologistes ont été assignés à résidence arbitrairement au motif qu'ils présenteraient un risque d'action violente, ce alors même qu'ils n'avaient jamais été mis en cause pour de tels faits par le passé.
(cf. lemonde.fr/societe/articl… en complément du rapport d'Amnesty)
L'État d'urgence a également été utilisé à l'encontre d'au moins deux journalistes, tous deux fichés S. L'un d'entre eux, @GaspardGlanz, journaliste engagé très à gauche, au prétexte d'un vol simple, a été interdit de pénétrer à Calais : lemonde.fr/police-justice…
Il a donc été empêché d'exercer son métier par l'État français, ce qui constitue une atteinte très claire à la liberté de la presse, ainsi qu'un nouveau dévoiement de l'état d'urgence (puisqu'aucun rapport avec le terrorisme). #médias
L'état d'urgence a alarmé jusqu'à l'ONU, dont cinq experts ont pointé les abus au regard des libertés fondamentales numerama.com/politique/1396… #14Juillet
La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), institution officielle mais indépendante, a également publié un avis très critique sur l'état d'urgence, évoquant explicitement « un détournement » de ce dernier : cncdh.fr/sites/default/…
Au-delà des militants écologistes assignés à résidence pour les empêcher de manifester durant la COP21, d'autres manifestations ont été interdites par le pouvoir administratif sans réel motif.
La présidente de la CNCDH, Christine Lazerges, a répondu en mars 2016 aux questions du Monde, et c'est intéressant à lire : lemonde.fr/police-justice…
Elle n'évoque pas que l'état d'urgence : en effet, en parallèle de celui-ci, Hollande et ses gouvernements ont fait adopter plusieurs lois visant à lutter contre le terrorisme, qui ont eu de répercussions significatives sur les libertés publiques et individuelles.
En juillet 2015, la loi relative au renseignement est promulguée (l'article @Wikipedia_fr est bien foutu : fr.wikipedia.org/wiki/Loi_relat…). Elle conduit à légaliser la surveillance de masse des communications (métadonnées et non contenus) de la population sans autorisation judiciaire.
L'association @laquadrature y a aussi consacré une page d'analyse : wiki.laquadrature.net/PJL_relatif_au….
Cette légalisation de la surveillance de masse est attentatoire à la vie privée et pourrait conduire à de graves dérives en l'absence de contrôle judiciaire, estiment (à juste titre) la @fidh_fr, @privacyint, @amnestyfrance, @LDH_Fr et @RSF_fr : fidh.org/fr/regions/eur….
Erratum : pas dès l'attentat de Charlie Hebdo (janvier 2015), après lequel la possibilité a simplement été évoquée, mais après les fusillades et explosions du 13 novembre 2015.
Début 2015, par ailleurs, un décret est publié pour activer le blocage de sites web (pédo-pornographiques et surtout faisant l'apologie du terrorisme) sur décision administrative, c'est-à-dire sans l'autorisation d'un juge nextinpact.com/news/92978-la-….
Cela avait été rendu possible dès la loi LOPPSI 2 de 2010 (que j'ai déjà évoquée au sujet des ajouts faits par Sarkozy après le discours de Grenoble) ; lire l'argumentaire de @laquadrature, pour qui de tels blocages sont « contraires à l'état de droit » : laquadrature.net/fr/le-filtrage….
Mais si le blocage des sites web se faisait sans contrôle du pouvoir judiciaire, il était « encadré » comme suit : l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) décide des sites à bloquer. […]
Il doit ensuite contacter l'hébergeur des contenus incriminés, qui a 24 h pour les supprimer, à défaut de quoi l'OCLCTIC peut alors contacter les FAI. Une personnalité de la @CNIL était quant à elle chargée de vérifier les critères de ce qui relève de l'apologie du terrorisme.
(Sans transparence aucune, pour la CNIL.) Déjà très peu garante des libertés publiques, cette procédure passe totalement à la trappe quelques mois plus tard, en novembre 2015 :
la loi sur l'état d'urgence autorise le ministère de l'Intérieur à ordonner lui-même le blocage d'un site web faisant l'apologie du terrorisme sans délai (exit les 24 heures) et sans contrôle (exit la @CNIL). numerama.com/politique/1314…
Si aucun blocage abusif n'a été relevé (à ma connaissance), il est intéressant de noter que la personne qualifiée pour les contrôles au sein de la @CNIL jusqu'en novembre 2015 a indiqué que certaines demandes issues de la police et transmises par l'OCLCTIC…
pour apologie du terrorisme n'étaient pas assez argumentées, et que sur cette remarque, avaient été abandonnées par la police : lemonde.fr/pixels/article…
La CNIL, qui dans les faits a continué à vérifier les demandes de blocage, a par ailleurs fait part l'année suivante (2017) d'un manque de moyens pouvant mettre à mal le contrôle des demandes faites par l'OCLCTIC lefigaro.fr/secteur/high-t…
En résumé : si dans la pratique, les atteintes aux libertés publiques sont restées « proportionnées » et sans abus apparents, la législation permet que des abus (atteinte à la liberté d'expression) surviennent. #14Juillet
(PS : je n'évoque pas l'efficacité de ces mesures de blocage, mais est faible, les contenus pouvant être facilement copiés d'une part, d'autre part être accessibles via de petits FAI, via TOR, etc.)
Nous n'en avons pas fini avec les législations de lutte contre le terrorisme : en 2016, qui pointe son nez ? La loi URVOAS. C'est son petit nom (tiré du nom éponyme du ministre de la Justice).
Son nom complet : Loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale. Certaines des mesures qu'elle prévoit sont attentatoires aux libertés individuelles :
• au retour d'un séjour dans un pays comme la Syrie, une personne peut être assignée à résidence durant un mois sur décision administrative, en l'absence d'éléments permettant une mise en examen ;
• instauration d'un délit de consultation habituelle de sites terroristes ;
• après un contrôle d'identité, une personne peut être retenue par les forces de l'ordre durant quatre heures, sans pour autant être en garde à vue (avec les droits attachés), à des fins de consultation des fichiers du renseignement (fiche S, etc.).
Résumé ici : lemonde.fr/police-justice….
Sans surprise, la @LDH_Fr dénonce ce texte ldh-france.org/reforme-du-cod… (à noter aussi que le gouvernement utilise la procédure accélérée fr.wikipedia.org/wiki/Proc%C3%A… pour l'adoption du texte).
La LDH met en cause l'empilement des textes anti-terroristes et sécuritaires, à l'image de l'interview par Le Monde de la présidente de la CNCDH, Christine Lazerges, citée précédemment.

D'ailleurs, la CNCDH a elle aussi, ici, émis un avis très critique : legifrance.gouv.fr/affichTexte.do…
Bref, encore une atteinte aux libertés individuelles sous l'ère Hollande, pas à l'honneur de la France #14Juillet.
Tout ça pour une efficacité limitée, ou en tout cas non démontrée. Ainsi, trois mois après le début de l'état d'urgence, plus de 3300 perquisitions avaient été menées, mais n'avaient conduit qu'à cinq procédures pour terrorisme : lemonde.fr/les-decodeurs/…
Bon, bon, sans avoir été exhaustif (je fais en fonction de mes souvenirs essentiellement), la présidence d'Hollande en a pris pour son grade sur le plan des libertés publiques/individuelles. Mais l'état d'urgence s'est poursuivi sous la présidence d'Emmanuel Macron.
Il a cessé le 30 octobre 2017. Mais pas sans énième texte sécuritaire, visant à faire entrer dans le droit commun des mesures de l'état d'urgence — ce qui est une aberration. J'ai nommé : le projet de loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme ».
En voilà, un bel intitulé ! Qui respire déjà le respect des libertés fondamentales #14Juillet. Et l'on est pas déçus : il instaure des périmètres de protection activables sur décision administrative (et non judiciaire) sur lesquels les contrôles avec fouilles sont systématiques.
Il ajoute également dans l'arsenal des décisions administratives (et non judiciaires) des mesures individuelles de surveillance et de restriction des déplacements — autrement dit une forme d'assignation à résidence. Youpi.
Vous l'imaginez, la CNCDH a gueulé, pointant notamment «
des pouvoirs de police exorbitants » revenant au ministre de l'Intérieur, et donc non accompagnés des garanties (contradiction, défense, etc.) qu'offre une procédure pénale (judiciaire, donc) : cncdh.fr/sites/default/…
La @LDH_Fr aussi a gueulé : ldh-france.org/wp-content/upl…. NB : n'hésitez pas à regarder, c'est concis, clair et plus approfondi (je n'évoque ici que deux mesures, mais le projet de loi en comporte d'autres, également attentatoires aux libertés individuelles).
L'ONU aussi a (encore) gueulé, en la personne de deux experts : la rapporteuse spéciale sur la protection des droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre le terrorisme (!), et le Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’homme : ohchr.org/FR/NewsEvents/…
Et comme d'hab, les pouvoirs exécutif et législatif n'en ont eu cure, et la loi a été promulguée le 30 octobre 2017. #14Juillet
La mesure la plus utilisée s'avère être celle instaurant des périmètres de protection et surprise (ou pas), elle « semble répondre à d’autres motivations que la seule lutte contre le terrorisme » [contrairement à l'objet de la loi] comme l'écrit prudemment Le Monde :
elle est en effet utilisée sur la gare de Lille-Europe, la gare du Nord à Paris, et le port de Dunkerque, à chaque fois pour lutter contre l'immigration illégale lemonde.fr/police-justice….
Ah, l'immigration, on va y revenir. Parce que c'est l'un des sujets chauds, du point de vue des (nombreuses) atteintes aux droits humains, du début de quinquennat de #Macron. Mais avant ça, un autre sujet, d'importance :
Que ce soit pendant la loi Travail/loi El Khomri et le mouvement social qu'elle a engendré (dont @nuitdebout 💚), sous la présidence Hollande, ou pendant les mouvements sociaux sous Macron, deux libertés ont été attaquées :
• la liberté de la presse, avec des menaces et violences policière à l'égard de journalistes : lire @streetpress streetpress.com/sujet/14913301… (2017), @RSF_fr rsf.org/fr/actualites/… (2017), CPML acrimed.org/La-Coordinatio… (2016).
• la liberté de manifester, avec une gestion du maintien de l'ordre peu respectueuse des manifestants, constituant notamment en des violences policières répétées. Suffisamment pour qu'@amnestyfrance titre en mai 2017 : « Le droit de manifester menacé » : amnesty.fr/liberte-d-expr…
Bref, un panorama inquiétant d'une criminalisation générale des mouvements sociaux, au prétexte qu'une minorité violente pose un problème de paix publique. Pour les libertés publiques en France, c'est un nouveau recul qui ne présage rien de bon. #14Juillet
Bon, Macron, l'immigration. Je vais être rapide, puisque c'est récent, d'actualité, donc normalement connu. Le gouvernement n'a de cesse de parler de crise migratoire : sauf que c'est largement exagéré, comme le relève le @Defenseurdroits Jacques Toubon : liberation.fr/politiques/201…
L'interview du pré-cité fait suite au projet de loi « Immigration maîtrisée, droit d'asile effectif et intégration réussie » de 2018. L'intitulé ne vous rappelle rien ? Le ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale […] ?
Cet excellent (non) projet de loi est motivé, explique le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb (aussi humaniste que je suis de droite), par le fait que des régions sont « submergées par des flux de demandeurs »
lemonde.fr/immigration-et…
Il prévoit notamment :
• un doublement de la durée de rétention administrative des immigrés « illégaux », qui passe de 45 à 90 jours ;
• un délai de recours auprès de la CNDA réduit de 30 à 15 jours (mesure finalement abandonnée en 2de lecture AN lemonde.fr/politique/arti…)
C'est ce texte que le défenseur des droits Jacques Toubon démolit dans l'interview précitée : lemonde.fr/idees/article/…. Un extrait univoque en image :
Jacques Toubon qui s'est d'ailleurs agacé à plusieurs reprises de la capacité des députés LREM à ajuster où bon leur semble les droits fondamentaux dont ils font une application très variable et facultative : francetvinfo.fr/monde/europe/m…
Il faut savoir que les conditions de rétention administrative des « migrants » assujettis à une mesure d'expulsion, sont déjà pénibles ; le prolongement de la durée max. de rétention ne va pas dans le sens du respect des droits humains.
Sans compter que les enfants sont de plus en plus nombreux à être enfermés dans les centres de rétention administrative (CRA) ; lire à ce sujet l'avis de la @CGLPL : cglpl.fr/2018/avis-rela…
Adeline Hazan (@CGLPL) critique vivement le texte : liberation.fr/france/2018/04…. De même que @lacimade, qui remet en cause les principes mêmes de l'enfermement et de l'expulsion des étrangers en situation irrégulière : liberation.fr/france/2018/02….
La @CNCDH, quant à elle, ne dit pas autre chose que le @Defenseurdroits : lexpress.fr/actualite/soci…
Ce projet de loi intervient dans un contexte de stigmatisation de l'immigration par Macron et son gouvernement, de harcèlement des étrangers en situation irrégulière, notamment à #Calais, mais aussi de la criminalisation des citoyens et associations d'aide aux migrants.
Lire à ce sujet cet article la @fidh_fr : « France : Vers une politique assumée de criminalisation des défenseurs des droits des migrants ? » (oct. 2017)
fidh.org/fr/themes/defe….
Pour suivre l'actualité des applications du délit de solidarité, cette page de @legisti : gisti.org/spip.php?artic….
Pour plus d'infos sur le « délit de solidarité », cette page d'@amnestyfrance fait le point sur la notion : amnesty.fr/focus/delit-de….
À noter que le Conseil constitutionnel vient de reconnaître une valeur constitutionnelle au principe de fraternité, obligeant l'État à modifier la législation d'ici le 1er décembre 2018 pour ne plus criminaliser l'aide apportée aux migrants info.arte.tv/fr/delit-de-so….
Tout ça pour dire que les gouvernements de Macron violent allègrement, par leur traitement légal, physique et médiatique (stigmatisation) des migrants, les droits humains inaliénables de ces derniers (sécurité, intégrité physique et morale, etc.).
Nous sommes en 2018 et l'État français agit de façon inhumaine, rendant la France indigne du qualificatif de « pays de droits de l'homme ». #14Juillet
Je vais arrêter ce thread ici. Il visait à monter qu'il n'y a pas matière à s'enorgueillir de la situation des droits humains et libertés fondamentales en France : il y a pire ailleurs, évidemment (Amnesty, Human Rights Watch et d'autres le documentent)…
mais ces droits et libertés sont régulièrement menacés et/ou réduits, en France. Le pire est que c'est souvent à de simples fins de communication politique (ce qui en dit long, par ailleurs, sur l'état de notre #démocratie).
Je n'ai pas du tout évoqué les aspects économiques et environnementaux des politiques publiques, alors qu'ils ont un impact réel sur des droits fondamentaux (à l'éducation, à la sécurité, au logement, à un #environnement sain pour la #santé, etc.)
Ces sujets auraient mérité un long thread (long car je ne connais pas tout et car ces thèmes et leurs liens avec des droits fondamentaux demandent plus d'explications). Heureusement, il y a autant d'ONG et d'assos que de thématiques.
Enfin, je n'ai pas traité de la question de l'état de notre #démocratie (les droits et libertés fondamentaux la conditionnent, mais ne lui suffisent pas !) : vaste sujet là encore.
Pour commencer, je vous conseille le documentaire suivant : « Démocratie(s) ? » par @Data_Gueule : sur Peertube peertube.datagueule.tv/videos/watch/0… ou Youtube . Critique Télérama : telerama.fr/television/la-…
Petit mot pour finir ce thread. Tout cela est fort déprimant, mais il existe un motif de réjouissance : la vitalité et la pugnacité des ONG de défense des droits humains et libertés publiques, ainsi que l'indépendance de quelques organismes fr (défenseur des droits, CNCDH, etc.).
Sur ce, joyeux #14Juillet😉.
PS : une version de ce thread existe en billet de blog, pour une lecture plus zézé → 1pasdecote.info/2018/07/15/le-…

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Jun 12, 2018
J'ai été visé ces dernières 48 heures par des attaques haineuses d'un petit groupe de l'extrême droite (pro-)israélienne sur Internet après avoir bloqué sur Wikipédia l'un des multiples comptes d'un contributeur banni il y a des années (car il faisait du militantisme).
C'est pénible, évidemment, mais également intéressant : déjà, car des dizaines d'internautes me qualifient d'antisémite (et parfois plus « modérément » d'antisioniste) sans me connaître, alors que je ne suis jamais intervenu sur Wikipédia sur ce sujet sur le plan éditorial […]
et alors qu'ils n'ont même pas pris la peine d'aller voir ce que je faisais sur Wikipédia, ce que j'avais pu dire (ou en l'occurrence n'avais pas dit), etc. Bref, ils ont juste répondu à l'appel à la haine de l'internaute qui a lancé tout ça. Sans réfléchir, sans vérifier, rien.
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