Thread by @Lotisauteur

1. Suite à mon partage, le cri d’une survivante de la prostitution Huschke Mau, traduit de l’allemand sur le blog @RessourcesPros j’ai beaucoup réfléchi.
Beaucoup d’idées reçues circulent, j’en lis des tonnes de part et d’autres, sur la #prostitution.

2. Il y a eu les réactions suite à la diffusion du sujet sur les prostituées adolescentes de @lemondeenface
Me voilà donc en train de rédiger non pas un, mais une série de thread. Attention, ça peut heurter parfois la sensibilité, pas que la mienne, hein, aussi la vôtre.

3. Comment un.e ado en vient à se prostituer ? La première fois, j’avais 15 ans. Situons le contexte. Famille où règne le silence, le secret. Où on me met dans la tête depuis que je suis née que je suis faible. C’est l’homme qui décide. Puis ce qui m’arrive est de ma faute.

4. Je ne suis pas statisticienne. Mais toutes tous mes ami.e.s venaient de familles similaires tous milieux sociaux confondus. Violé.e.s, bafoué.e.s, astreint.e.s, détruit.e.s, depuis l’enfance. Tout ce que nous faisions, c’était naturel pour nous.

5. C’était un job. C’est difficile de s’imaginer à quel point nous étions conditionné.e.s. Les garçons aussi. L’un d’eux avait servi de jouet à son grand père toute son enfance avec l’assentiment de sa famille (si tu me lis un jour, je pense fort à toi 😘)

6. Dans @lemondeenface, le parti pris était clair : les jeunes filles, sous influence, gavées de téléréalité, embobinées par un lover boy alors que leurs parents, désespérés, tentaient de les retenir. Elle a bon dos, la téléréalité.

7. Nous avons été embrigadé.e.s sans elle. Nous aussi, on nous promettaient monts et merveilles, beaucoup d’argent. On nous valorisait, alors que dans nos familles, nous étions rejetés ou ignorés.

8. Les parents du reportage paraissaient de bonne foi, c’est vrai. Mais qu’ont-ils légué à ces jeunes filles pour qu’elles se sentent si mal ? Je crois, avec le recul, que chez toutes les personnes qui se prostituent, il y a un point commun au départ : le désespoir.

9. Les réseaux savent bien exploiter le désespoir.
Alors bien sûr, au moment où on se prostitue, surtout à cet âge, on se ment allègrement. Question de survie, pour supporter l’insupportable.

10. On choisit, on est là parce qu’on veut y être, on veut gagner beaucoup d’argent, et on en gagne bien un peu. Ou alors on se dit que c’est pour un temps, et puis on est jeune, on aura le temps plus tard d’avoir une vie ennuyeuse...

11. On s’accroche fort à nos chimères. Et on accepte encore les passes. On ne retourne pas à ses clients parce qu’on aime ça. Non. C’est souvent le fait de devoir y retourner qui déclenche le recours aux drogues. Parce qu’en réalité, les clients nous dégoûtent.

12. Plus on a de clients, plus on les hait. Voire dans l’inavouable, on les imagine morts, mais les clients tuent généralement plus que les prostitué.e.s…

13. Les prostitué.e.s en fait accordent aux clients (qu’ils elles méprisent) un permis pour les violer, ça, c’est la passe. Je repasserai vous parler des clients quand je trouverai du courage. Je ne suis pas d’humeur.

14. Pour moi, je me mentais aussi allègrement que les jeunes filles d’ajourd’hui : j’étais call-girl, ce qui revient bien au même, notez. Ça ne m’a pas évité les passes où j’ai cru mourir (deux sont dans Fleurs des nuits). Et les pressions. Tout va très très vite, il faut dire.

15. Comme les jeunes filles dans le reportage @lemondeenface, il suffit d’une copine, être au mauvais endroit au mauvais moment. Je n’ai (toujours) pas très bien compris comment je me suis retrouvée là-dedans, mais de fait, j’y étais.

16. Et d’avoir fréquenté ce milieu m’a transformée. Je vais paraître parano, et je le suis sans doute, mais les réseaux de prostitution savent s’organiser en peu de temps. Avec l’assentiment, le silence complice de ceux qui constatent, mais ne font rien.

17 et fin. Ce n’est pas un déni dans le cas de la prostitution. C’est la croyance que la personne prostituée choisit. Ceux qui pourraient l’aider en sont persuadés. Et la laisse se débrouiller voire crever. Merci de m’avoir lue.