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Oct 1, 2018 51 tweets 10 min read Read on X
ok, folks, #autisme VS #HPI, c'est parti. je vais essayer de faire dans la concision mais le sujet est extrêmement dense et méritera peut-être qu'on y revienne à d'autres moments. je vais tenter d'aborder le plus d'aspects possibles.
le fil se découpera, en gros, comme suit :
- disclaimer
- définition des termes employés
- détournement et perversion du concept de base
- bullshit en masse de la psy FR
- impact sur la prise en charge effective des patients
- références
disclaimer, comme d'hab, je parle de MON point de vue, de ce que j'ai vécu et pu observer pendant des années à causer santé mentale en ligne et avec mon entourage, en passant de la référence psy francophone à anglophone..
je n'ai pas la prétention d'avoir résolu l'énigme et je suis ouverte à la discussion. mes observations que j'ai faites se basent aussi sur des lectures allant du témoignage en ligne au DSM. ce qui nous amène sans transition à la définition des termes autisme et HPI.
pour l'autisme, voici un lien vers la définition de base trouvable dans le DSM V : autismcanada.org/about-autism/d… (c'est trop long pour tenir dans un tweet, mais on voit bien que ça va au delà du "hon, je suis bizarre". à mon sens il manque l'aspect sensoriel, mais on en reparlera)
pour le HPI / HQI / douance / HP ça se corse. le terme est absent du DSM, il n'existe qu'une occurrence (dans les 1275 pages du volume) du terme surdoué-e (page 35), la voici :
dans les faits, les termes HQI et synonymes désigne des individus dont le score moyen au WAIS est supérieur à 130. et un petit graph pour resituer le score lui-même dans le contexte global (source cabinetorientation point fr que je ne recommande pas autrement) :
plus de détail sur le test lui-même et son historique ici (en anglais) : verywellmind.com/the-wechsler-a…
revenons au graph. on voit bien que la courbe décrit l'ensemble des mesures de QI, et que le fameux test a une utilité plus vaste que classer une partie des gens sur le haut de l'étagère.
historiquement, on était plus concerné-es par les notions de retard mental que de performance intellectuelle. les premiers tests mis au point par Simon Binet, ancêtres du WAIS, servaient simplement à mesurer si les gamins étaient idiots (au sens médical du terme) ou non.
je ne saurais pas dire à quel moment le glissement d'outil pour mesurer une déficience intellectuelle à totalement autre chose s'est opéré, mais ce n'est pas non plus totalement nouveau. j'en veux pour preuve la fondation de MENSA en 1946.
MENSA, quand j'étais gamine dans les années 80 et 90, c'était une espèce de licorne mentionnée ça et là dans les séries et les films, mais ça n'était absolument pas connu du grand public. mais le concept de "club fermé" était déjà là, en attente.
j'ai l'impression que tout s'est accéléré à la fin des années 2000 avec la publication d'un livre qui se classe plus du côté du développement personnel que de la psychiatrie, à savoir "Trop intelligent pour être heureux" de Jeanne Siaud-Facchin.
j'ai fini de planter mon décor, c'est maintenant qu'on passe aux choses sérieuses.
Siaud-Facchin (SF pour faire plus court), est pour moi la personne par qui le mal est arrivé dans nos contrées francophones et pas mal arriérées en ce qui concerne la psychiatrie et la psychologie (big up à tonton Sigmund et ses ravages).
avant son foutu bouquin, les tests de QI servaient comme par le passé, à faire un point pour un-e gamin-e en difficulté scolaire, dans le cadre d'un accompagnement plus global. SF a eu l'idée de revamper totalement le concept pour le vendre aux adultes en quête de réponses.
les années 2000, ça a été l'explosion des livres de développement personnel et du durcissement du contexte social général. on avait donc le terrain idéal pour ce concept du malheur dû à paramètre inné et invisible. le petit zest de flatterie en rab, et hop, succès commercial.
je parle bel et bien de flatterie parce que l'idée d'être "trop intelligent" vient gentiment vous brosser dans le sens du poil et exploite généreusement cette idée du génie incompris. plus clairement, il y a en creux la notion que les autres qui sont des sales cons.
par extension, vous n'êtes pas responsable de ce qui vous arrive, c'est les autres qui font rien qu'à vous embêter avec leur cerveau moins performant, vous pauvre être de lumière innocent-e. *kof kof*
ensuite, le bouquin se lance dans une description des "caractéristiques" des HQI qui repose à 10% sur la psychologie, 40% sur rien et à 50% sur l'effet Barnum. tout est à la fois assez vague et assez précis pour que la majorité puisse s'y reconnaître. un peu comme un horoscope.
à l'époque, avant de me renseigner sur l'autisme, moi aussi je suis tombée dans le panneau. le bouquin m'est tombé dans les mains pendant mon premier burn out et c'était la première fois que je voyais décris certains de mes comportements.
en bonne petite patiente psy que j'étais à l'époque, j'ai fait mes recherches et trouvé rapidement d'autres ouvrages et j'en ai parlé à ma psy (la connasse obtuse) qui a balayé tout ça en disant que c'était pas ça mon problème.
ironie du sort, pour une fois elle avait raison. mais à l'époque, ça m'a épargné de débourser de l'argent pour rien. parce que oui, les tests, ça se paie et SF en a fait un gros business avec ses centres Cogitoz.
petite parenthèse au passage, le "zèbre" utilisé par une partie des HQI pour parler d'aux. à la base, c'est un nom que les personnes anglophones atteintes de maladies rares et dures à diagnostiquer avaient choisi pour se désigner.
le fait que le terme ait été récupéré par SF pour désigner les surdoués me colle personnellement un gros malaise éthique. 1/ c'est pas joli de piquer les mots des autres 2/ ça porte en soi la notion que le HQI serait... une maladie ?
que SF se soit fait du pognon sur la crédulité des masses, ok, passe encore, mais le fait de pathologiser quelque chose, qui par essence, ne relève pas du médical, j'ai énormément de mal avec ça, parce que médicaliser ce qui n'a pas lieu d'être, c'est DANGEREUX.
dans un concept ou les psys feraient un travail de recherche critique et de mise à jour constant, le truc n'aurait pas plus d'effet qu'un pétard mouillé. le problème, c'est que la théorie foireuse de SF s'est apparemment répandue en 10 ans avec à la clef des situations ubuesques.
avec ce concept fallacieux du HQI pathologisé, des professionnels mazoutés à la psychanlyse et un retard d'environ 30 ans au sujet de la neurodivergence, on a tous les ingrédients pour une grosse catastrophe pour les patients psy en général.
sans rire, à plusieurs reprises, j'ai eu des gens persuadés que le problème majeur dans leur vie, c'est d'être HQI. je parle de personnes de plus de 30 ans ayant par ailleurs pas mal de grosses valises : violences familiales, dépression, troubles dys, gros problèmes de santé...
ces personnes s'accrochent à leur foutu chiffre de QI comme Harpagon à sa cassette et refusent tout travail sur leurs autres symptômes ou sources potentielles de souffrance. pour elleux, le problème, c'est résolument d'être "trop intelligent".
si les psys FR étaient pas autant à la ramasse, pourquoi pas, hein. le souci, c'est que certains de ses psys vont valider et alimenter cette perception tordue de leur fonctionnement et, dans un même mouvement, passer sous silence d'autres symptômes pourtant flagrants.
on va ainsi avoir des personnes accumulants les diagnostics avec des listes telles que "HQI, anxiété, dépression, trouble dys, trouble de la personnalité, TCA, TDA, y'en a un peu plus j'vous l'mets quand même" sans qu'à aucun moment personne ne prenne du recul.
et on séda... euh, médique les patient-es sans chercher plus loin. c'est à cause de ce genre de laxisme diagnostique qu'on arrive aujourd'hui à une explosion des stats en ce qui concerne l'autisme (chiffres les plus récents : 1 enfant sur 51).
pour réaliser l'ampleur du merdier, il suffit de prendre un peu de recul et d'aller faire quelques recherches dans la littérature anglophone. la notion de HQI comme trouble psy est totalement absente du radar. rien. nada. ziltch.
quand deux connaissances françaises m'ont récemment demandé si j'avais pas des psys "spécialisés HPI" à recommander sur Vancouver, ça m'a demandé pas mal d'effort de pas leur hurler dessus (l'une des deux avait le tableau clinique à rallonge que j'ai cité plus haut).
*opinion impopulaire* pour moi, il est dangereux et dommageable de soutenir et de répandre l'idée que le HQI serait ontologiquement source de souffrance et nécessiterait une prise en charge particulière.
être "plus que les autres" est un concept attirant mais dangereux. l'idée d'être "plus intelligent" a d'ailleurs déjà fait des petits tout aussi vilains avec les concepts d'"hypersensibilité" ou "hyperémotivité".
dès qu'on commence à dériver vers les concepts de "haut" (voire "très haut") et "hyper", on introduit une catégorisation et la notion toute pourrie que certains des gens seraient "plus" que les autres. et coucou la suprématie qui entre par la porte de derrière.
pourquoi vouloir absolument être "plus" et ne pas simplement dire que vous êtes différent-es ? ah oui, parce que c'est moins glorifié socialement. au passage, la notion d'hypersensibilité, ça porte déjà un nom : trouble du traitement de l'information sensorielle (moins vendeur).
ça participe du même mouvement que celui des shiny Aspie qui se cramponnent au terme Asperger pour n'être surtout pas assimilé-es aux reste des autistes, ceux qui répètent les mêmes trucs en boucle et se frappent en public.
pour rappel, la principale différence entre le diag d'Asperger et le diag d'autisme reposait sur... les chiffres obtenus au test de QI. n'y aurait-il pas comme une couille dans le pâté et une certaine similarité avec ce dont je vous parle depuis tout à l'heure ?
je ne dis pas que le WAIS est totalement inutile, il s'agit tout de même d'un outil qui peut permettre de déceler des choses dans le cadre d'un diagnostic plus vaste. et d'aussi remplir sa fonction de base : savoir si la personne est intellectuellement handicapée (QI<70) ou non.
mais passer le WAIS "juste pour savoir", hors de tout cadre thérapeutique et sans autre accompagnement que des bouquins du genre de celui de SF, pour moi, ça ne sert à rien à par chercher à se rengorger en parlant de son gros cerveau.
ça va être l'heure de boucler ce fil fleuve, qui n'est malheureusement toujours pas aussi exhaustif que je le souhaiterais.
on va donc en résumer les concepts principaux.
si vous rentrez dans la catégorie HPI et que vous allez mal sans autre étiquette particulière, je vous en conjure, prenez du recul, essayez par exemple de voir si vous n'êtes par exemple pas empêtré dans une relation qui vous fait du mal, un boulot qui vous démoli à petit feu...
ou si par exemple, vous n'avez pas grandi / évolué dans un contexte de violence qui vous a esquinté-e à des niveaux dont vous n'avez pas forcément conscience. tout ça sont des éléments qui FONT aller mal, HQI ou pas, et c'est plus ces éléments là qui devraient être adressés.
si en plus du HQI vous avez d'autres étiquettes du genre dépression, anxiété, troubles dys, troubles sensoriels, une perception particulière de votre genre et des trucs bizarres que rien n'explique; lisez, documentez-vous, il y a de forte chance qu'on vous ait mal diagnostiqué-e.
le HQI n'est PAS un handicap en soi, par contre, il peut effectivement sacrément compliquer l'accès aux soins pour vos VRAIS troubles.
questionnez, interrogez, approfondissez, et refusez les approximations, vous êtes censés avoir l'intellect adéquat pour la pensée critique.
je vous laisse avec deux articles et vous encourage à aller faire des recherches sur les travaux des deux auteurs :
plus.lapresse.ca/screens/63d483…
larecherche.fr/la-l%C3%A9gend…
PS : je sais que certains de mes propos peuvent potentiellement heurter vos convictions, si un point vous semble obscur ou gratuit, posez-moi des questions, j'y répondrai du mieux possible.
PPS : on me suggère dans l'oreillette qu'un article serait pas mal, ça se tente parce que comme d'hab, j'ai pas tout mis (ex : notion de handicap social, l'espace occupé par les HPI dans les groupes de soutien psy et la silenciation, exemples plus développés, plus de ref).

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