Le pécule pour les enfants placés, vous en avez entendu parler ? Non. Parce que globalement, on va pas se mentir, la protection de l’enfance, tout le monde s’en fout.
Bah je vais vous en parler et vous expliquer de quoi il s’agit, parce qu’il serait question de revenir sur cette dispositif de la loi protection de l’enfance votée en mars 2016.
Vous verrez au passage que c’est intéressant de voir dans quel genre d’alternative on se trouve pris quand on est obligé de réfléchir à budget de pénurie constant. #thread
Je vous le fais schématiquement, c’est un peu chiant, mais c’est nécessaire pour comprendre exactement les enjeux de ce débat.
Des enfants sont confiés à l’Aide sociale à l’enfance par un juge des enfants si ce dernier considère qu’ils sont dans une situation de danger qui rend nécessaire un tel éloignement familial. C’est le département qui supporte le coût financier de la prise en charge de ces enfants
Placés, cela ne veut pas dire que les enfants n’ont plus de contacts avec leurs parents, ni que les parents sont nécessairement déméritants ou des salauds ou ce que vous voulez.
Il y a en réalité un panel très très large de situations.
Le placement est sensé être temporaire, et les enfants ont normalement vocation à retourner au sein de leur foyer familial. Le juge réexamine la situation régulièrement.
Les durées de placement sont très variables, allant de quelques mois, quelques années, à…. de très nombreuses années.
Certains enfants restent placés de leur petite enfance à leur majorité.
Certains enfants n’ont plus du tout de contact avec leurs parents, ou bien des contacts très limités.
Certains ont des liens réguliers et positifs, mais avec des parents dans des situations très difficiles (troubles psy, alcoolisme sévère et durable ou que sais-je).
(je dis « des parents », mais bien souvent d’ailleurs, il n’y en a qu’un : enfants pas reconnus par leur père, un parent décédé, ou avec lequel plus aucun lien du tout depuis des années et dont on n’a pas l’adresse (la plupart du temps les pères, hein) etc.)
Bref, il est clair que pas mal de ces enfants qui restent placés longtemps ne pourront bénéficier d’aucun soutien familial affectif, éducatif, matériel ou financier à leur majorité.
Il existe alors un dispositif qui doit permettre de continuer à apporter un soutien financier et éducatif aux jeunes majeurs, jusqu’à 21 ans : c’est ce qu’on appelle les contrats jeune majeur. Ils sont financés également par le département.
Ainsi un jeune placé en famille d’accueil ou foyer pourra continuer à y rester à ses 18 ans, continuera à être suivi par son éduc, pourra voir ses études, une chambre en FJT financés, etc.
Vous allez me dire : sur le papier, c’est pas mal ! Bah oui, sur le papier.
Parce qu’en réalité les départements n’ont pas un budget leur permettant de financer suffisamment de contrats jeune majeur.
Du coup, une forme de sélection s’organise. Seuls les jeunes majeurs « méritants », c’est à dire, en gros, « dociles » dans leur lieu d’accueil et poursuivant leur projet scolaire ou professionnel sans trop d’anicroche y accéderont.
Les Conseils départementaux peuvent par ailleurs rompre à tout moment un contrat jeune majeur dont ils estimeraient que le jeune ne remplit plus les conditions. Par exemple il a rompu sa formation. Fugue un peu, etc.
En clair, on laisse/met à la rue les jeunes qui sont les plus fragiles, ceux qui ont sans doute eu parmi les parcours les plus fracassés.
Il peut évidemment y avoir des différences d’un département à l’autre (et donc des inégalités), mais voilà globalement le tableau.
En 2016, L. Rossignol a conduit une réforme de la protection de l’enfance, votée en mars 2016. Cette réforme s’est attachée à améliorer les parcours institutionnels et les accompagnements pour les enfants protégés en général et placés en particulier. assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-20…
Seulement voilà les termes de l’équation : pas de hausse budgétaire pour les départements sur le volet protection de l’enfance. C’est une réforme qui doit se faire à budget constant.
Donc là où sans doute tout le monde aurait été d’accord sur le principe d’augmenter le nombre de contrats jeune majeur, bah...c’est impossible.
La parole est à JP Tuaiva lors des débats parlementaires sur la loi de mars 2016 (spéciale kassdedi @k_narre)
Donc exit la possibilité d’améliorer par ce biais le soutien aux jeunes majeurs ayant été placés.
Est donc née l’idée (à vrai dire je ne sais de qui elle émane au départ) de constituer un fonds, un « pécule » pour les jeunes majeurs ayant été longtemps placés, c’est à dire une somme d’argent qu’ils toucheraient à leur majorité.
Seulement voilà, pas plus de budget pour cela. Alors comment peut-on faire ?
Lorsqu’un enfant est placé par le juge des enfants, le juge statue (c’est la loi) sur le sort des allocations familiales : laissées aux parents (ou l’un d’eux), ou bien versées à l’ASE.
Mais allez savoir pourquoi (probablement une mauvaise histoire d’empilements de textes jamais remis en cohérence), l’Allocation de rentrée scolaire (ARS), ne suit pas le sort des allocations. Le juge ne peut pas statuer dessus.
Donc cette ARS, quoiqu’il se passe, reste au bénéfice du/des parents. Pour mémoire, c’est de 360 à 400 e à chaque rentrée par enfant, sous condition de ressources. Versé par la CAF service-public.fr/particuliers/v…
Alors autant il y a des tas de situations ou les parents participent comme ils peuvent aux frais liés à l’éducation de leurs enfants placés,
autant je peux vous garantir qu’il y a des situations où c’est bien les boules de savoir qu’ils touchent cette somme alors qu’ils ont bien maltraité leurs gamins, ne les voient plus ou quasi-plus, et ne lèvent pas le petit doigt pour eux.
(COUCOU les élus de droite qui nous parlent à longueur de temps de supprimer les allocs et ne s’étaient jamais penchés sur cette question, et bien LE PS L’A FAIT!!!).
Voici donc le dispositif prévu par cette loi de mars 2016 : l’ARS ne sera plus versée aux parents lorsqu’un enfant est placé, mais consigné sur un compte ouvert au mineur à la Caisse des dépôts et consignation, bloqué jusqu’à sa majorité.
Vous calculez comme moi, nous avons donc un pécule, selon la durée de placement, qui ira de 360 à 4800 € maximum. Constitué sur des fonds CAF, qui étaient quoiqu’il en soit versés par la CAF.
Laurence Rossignol elle-même avait expliqué son attachement à cette mesure, qui paraît en effet tout à fait maline et justifiée.
Une sorte de solution gagnant-gagnant me direz-vous ?
Hum...pas tout à fait. Les départements ont bronché. Bah oui, parce qu’ils se retrouvent à assumer une charge financière supplémentaire : ces frais de scolarité ou matériel scolaire ou vêture etc., que tout de même pas mal de parents assumaient grâce à leur ARS.
Et quand on y réfléchit, une charge supplémentaire pour les services de protection de l’enfance pour constituer un pécule pour les enfants placés, bah c’est de l’argent pour faire d’autres trucs pour la protection des enfants en moins ailleurs.
Donc ça n’est pas idéal.
D’ailleurs une parlementaire a défendu un amendement pour voir supprimer cette disposition, Madame Belotti.
Laurence Rossignol a réaffirmé son attachement au dispositif, et l’amendement a été rejeté.
Donc depuis la rentrée 2016 (enfin, quand ça cafouille pas trop dans les CAF et à la CDC), l’ARS n’est plus versée aux parents d’enfants placés mais à la CDC, pour constituer ce pécule.
Ce n’est pas un dispositif idéal, mais pour constituer ce pécule, c’était le seul possible. On peut au moins reconnaître à L. Rossignol son volontarisme politique sur ce point.
Or, la semaine dernière, une sénatrice, E. Doineau a déposé en commission des affaires sociales un amendement concernant le versement de l’ARS. senat.fr/amendements/20…
Concrètement, il s’agit d’aligner le sort de l’ARS sur celui des prestations familiales : versée à l’ASE sauf le juge des enfants à décider de la maintenir aux parents.
DONC de fait la possibilité de constitution d’un pécule disparaît.
Et vous savez quoi ? c’est terrible. C’est terrible car L. Rossignol ET E. Doineau ont raison.
La vérité c’est qu’il faudrait davantage de contrats jeunes majeurs ET un budget permettant de constituer un pécule pour les enfants placés. Un véritable budget, j’entends, pas une bidouille faute de mieux.
On a beaucoup parlé de violences sexuelles ces derniers temps. Mais je peux vous garantir que s’il y en a dont la parole ne s’est pas libérée, ce sont les mineurs. Car la plupart du temps les mineurs ne parlent que lorsqu’ils sont protégés, ce qui, parfois, nécessite un placement
Les enfants placés sont évidemment sur-représentés parmi les victimes d’abus sexuels ; parmi les victimes de maltraitance physique, et psychologique. Les ex enfants placés le sont parmi les SDF.
Alors, pour dénoncer d’un air indigné 3 totos et un cagoulé qui pètent les vitres de Necker (on va pas dire que c’était un geste intelligent, hein), là il y a du monde. Pour aller réclamer la peine de mort contre la mère de la petite Fiona, idem.
Pour s’intéresser véritablement à l’état de la protection de l’enfance en France, en revanche….y a moins foule. change.org/p/enfantsplac%… #end
Bon, alors #addendum car je n'en peux plus de recevoir ce genre de remarques dans mes mentions.
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by @vienneinsoumise view original on Twitter
Beaucoup de gens qui réfléchissent assez binairement en mode "le gouvernement fait les poches des pauvres pour faire des économies exemple le pécule des enfants placés". Alors non.
Parce que ça ça véhicule l'idée que les enfants placés, maltraités, sont NECESSAIREMENT des enfants de pauvres.
C'est statistiquement vrai. Sauf qu'il y a un biais car les maltraitrances sont davantage repérées chez les pauvres. Parce que les pauvres sont davantage "sous surveillance" des services sociaux.
Parce que les maltraitances chez les plus riches sont sans doute davantage "sophistiquées" et parce que la parole y est sans doute davantage plus verrouillée aussi.
J'ai dit que le montage fait par L. Rossignol n'était pas idéal.
Notamment parce que l'ARS est attribuée sous condition de ressources. Ce qui a pour effet qu'un enfant placé dont les parents dépassent ces conditions de ressources, n'aura droit à AUCUN PECULE.
Or des gamins maltraités et placés de médecin, prof, classe moyenne diverse dépassant ces conditions de ressources, il y en a aussi.
Donc on voit bien que la situation est bien plus complexe que gentils vs méchants. Honnêtement les arguments de Mme Doineau sont bons ; je n'avais pas pensé à la situation des pupilles et orphelins, mais c'est évidemment un problème.
Et en même temps il est absolument que le principe du pécule soit purement et simplement supprimé, ce qui risque d'arriver, sans être remplacé par autre chose immédiatement.
Parce qu'on sait comment ça va se passer : il va falloir de nouveau batailler pour qu'un dispositif identique soit de nouveau créé et financé. Là ça a le mérite d'exister.
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Il faut prendre connaissance de cette histoire atroce, et peser les mots écrits par le président Tribunal de grande instance de Rennes, révélés dans cet article. #ProtectionDeLEnFance#Thread
Il ne s'agit pas ici de dédouaner qui que ce soit, non plus de pointer telle ou telle personne ou institution en particulier ; il faudrait en effet décortiquer précisément l'ensemble des éléments du dossier pour pointer les différentes défaillances et leurs causes.
Pour autant, la question des moyens alloués d'une manière générale à la protection de l'enfance, et notamment au traitement judiciaire de la protection de l'enfance, ne peut pas, ne doit pas, être évacuée.
J’ai vu pas mal de réactions passer sur le non-lieu rendu au bénéfice de Darmanin concernant la plainte de Mme Spatz-Patterson. nouvelobs.com/justice/201808…
Ce qui fait le plus réagir, c’est l’extrait de la motivation utilisée par le juge d’instruction dans son ordonnance de non-lieu :
(je cite) « Le défaut de consentement ne suffit pas à caractériser le viol. Encore faut-il que le mis en cause ait eu conscience d’imposer un acte sexuel par violence, menace, contrainte ou surprise ».
Quand même, si on résume, hors toute qualification pénale, on a : #Benalla
- un chargé de mission à l'Elysée, dont le nom et les fonctions officielles n'apparaissent nulle part, comme d'autres, et qui ne font pas de déclaration à la HATVP
- qui échange par SMS avec un flic haut-gradé en mode "chaud le maintien de l'ordre avec les gauchistes"
Le rappel à la loi suppose que le parquet estime une infraction pénale caractérisée. Si tel n'est pas le cas, le parquet classe sans suite pour "absence d'infraction" ou "infraction insuffisamment caractérisée.".
Et, en matière d'infractions sexuelles, on a un taux de classement sans suite pour ces motifs dans bien plus de la moitié des cas.
Un de mes trucs préférés : les gens qui font semblant de ne pas comprendre et s'indignent sur des trucs qui n'ont rien à voir en mode "et la prochaine étape c'est la Corée du Nord 😤😤😤 ?" <3
(ah merde, je viens de réaliser que c'est la meuf qui a fait le reportage sur la ZAD, pardon, j'ai une crise de rire, c'est nerveux)
Bon, alors, je reviens juste sur cette histoire de la FIFA et des images de supportrices sexy là. Parce que c'est qd même assez symptomatique du délire ambiant.
Je pense qu’à peu près tout le monde a suivi donc je ne vous fais pas le résumé, et me contente d’envoyer vers un lien qui résume le truc. huffingtonpost.fr/2018/01/18/la-…
Donc nous en sommes à un stade où en effet Eric Brion, lequel a eu droit à sa tribune dans le Monde, dépose plainte en diffamation contre Sandra Muller et évalue lui-même son préjudice à 50.000 €.