Je pense qu’à peu près tout le monde a suivi donc je ne vous fais pas le résumé, et me contente d’envoyer vers un lien qui résume le truc. huffingtonpost.fr/2018/01/18/la-…
Donc nous en sommes à un stade où en effet Eric Brion, lequel a eu droit à sa tribune dans le Monde, dépose plainte en diffamation contre Sandra Muller et évalue lui-même son préjudice à 50.000 €.
(je vous remets la Tribune car elle n’est pas inintéressante à relire pour tenter de deviner en filigrane l’argumentation et le raisonnement qu’il pourrait développer dans le cadre d’un procès lemonde.fr/idees/article/…)
Je vous mets aussi cet article, que je n'ai pas pu lire n'étant pas abonnée au Point (what a surprise !), mais que je ne désespère pas de lire un jour lepoint.fr/actualites-lep…
(NB : Sandra Muller aussi avait eu droit à sa tribune, conformément à la politique éditoriale du Monde en matière de tribunes, à savoir « 1-1 balle au centre, une parole en vaut une autre car nous, les rapports de domination,
nous ne voulons pas les penser et les traduire dans notre charte éditoriale». Je vous la remets aussi lemonde.fr/idees/article/…)
Brion dépose plainte en diffamation, mais Sandra Muller ne nous en dit pas plus.
Brion dépose plainte en diffamation, mais Sandra Muller ne nous en dit pas plus.
C’est à dire qu’on comprend qu’il s’agit de diffamation publique, vu le contexte, mais simplement pour ça, ou également pour injures publiques (ce dont relèverait, sur le plan juridique, plutôt l’assimilation à un #porc si cela est visé dans la plainte) ?
Par ailleurs, on ne sait pas précisément ce qui est visé comme propos dans la plainte ;
Car quand on dépose plainte pour diffamation, il ne suffit pas simplement de dire « je dépose plainte contre Machin pour diffamation » ; il faut en effet très précisément viser les propos qu’on estime diffamatoires, sous peine d’irrecevabilité de la plainte.
Sandra Muller s’est beaucoup exprimée dans les media suite à l’essor du #balancetonporc ; elle a eu l’occasion de s’exprimer sur les faits qu’elle impute à Brion à plusieurs reprises.
Donc nous ne savons pas à ce stade si les propos visés dans la plainte sont ceux du tweet initial dans lequel elle le dénonçait, ou bien des propos qu’elle a pu tenir publiquement ultérieurement.
On a tout de même un petit indice : le tweet initial date du 17 octobre ; Sandra Muller a rendu public hier le fait qu’elle avait reçu une assignation (dont elle ne donne pas la date mais dont on peut supposer qu’elle l’a reçue peu de temps avant, la veille ou l’avant veille) ;
Nous sommes donc pile à 3 mois du tweet initial, c’est à dire en limite de prescription pour pouvoir déposer plainte contre ce tweet. Ceci dit il a pu déposer plainte en visant d’autres propos, en plus ou seulement, je n’en sais rien.
Pourtant, dans sa tribune, Eric Brion reconnaît la réalité de la scène évoquée, de son contexte, et avoir signifié de façon « lourde » son envie sexuelle.
Il prend bien soin à la fois de ne pas démentir les termes mêmes qui lui sont prêtés par Sandra Muller (« tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit. ») et de ne pas les confirmer non plus.
Et on peut l’imaginer, rédigeant une tribune au cordeau, avec les conseils avisés d’un juriste, afin de se préserver toute marge de manœuvre.
Ah, il présente des «excuses» ; mais réclame un «droit à la vérité et à la nuance» ; et aujourd’hui 50.000 € à celle-là même auprès de qui il s’était excusé. Chacun appréciera.
Donc nous ne savons pas s’il entend contester et pinailler sur les mots exacts qu’il a pu alors dire à Sandra Muller ce soir là pour lui signifier son intérêt libidineux, ou autre chose.
Dans sa tribune, il déplore que ce tweet, arrivant à la suite d’un tweet sur Weinstein, l’amalgame à un harceleur, agresseur ou violeur au sens de la loi pénale. Il va même jusqu’à préciser qu’il n’avait pas de relation de travail avec Sandra Muller.
(ce qu'elle n'a jamais dit, et notons que le contexte c’est un cocktail, manifestement avec des journalistes, et qu’on peut concevoir qu’il s’agisse d’une soirée en lien avec le travail, mais bref)
Mais nous verrons bien lorsque procès il y aura. Enfin, si procès il y a.
Car au-delà de savoir sur quoi porte précisément la plainte de Brion, ce qui est important, c’est de comprendre l’usage qui est fait de ce type de plaintes pour diffamation, et leur but.
Très clairement, il s’agit de faire taire l’intéressée ; on ne veut plus que son nom soit répété et associé à une scène totalement pathétique dans laquelle on a un comportement minable.
Il s’agit également de laisser planer la suspicion sur la réalité de ce qui a été dénoncé, et ce alors même que Brion lui-même en a confirmé l’essentiel :
des propos sexualisés déplacés dans un contexte où Sandra Muller n’avait en aucun cas fait connaître son intérêt pour ce type de relation, et donc comportement éminemment sexiste où la femme est ramenée à un amas de chair qui n’est bon qu’à baiser.
Il s’agit de faire taire l’intéressée, et ça marche. Car Sandra Muller a aussitôt fait savoir qu’elle allait s’astreindre au silence.
(Je ne veux évidemment pas critiquer ce choix ou le lui reprocher : elle utilisera les moyens de défense, de protection, et stratégiques qui lui sembleront le mieux adaptés, avec, je l’espère pour elle, les conseils avisés d’un-e bon-ne avocat-e.)
Mais il y a un deuxième effet, systémique, donc évidemment Eric Brion va se défendre, car ce n'est pas son but.
C'est celui d’adresser un signal à toutes les autres femmes : attention, mesdames, nous n’entendons pas renoncer à nos comportements sexistes sans nous défendre.
Les juristes vous diront : « oui mais c’est la loi ! C’est son droit, à Eric Brion, d’engager une procédure pour diffamation ; et le Tribunal appréciera ; et en attendant, taisons-nous et laissons donc la Justice faire son travail. »
Oui, c’est son droit. Mais il y a le droit et l’usage de droit, dans un contexte social marqué par des rapports de domination.
Et c’est notre droit aussi, notre devoir même, de ne pas réduire l’éthique au débat judiciaire, de ne pas penser le monde au prisme des seules vérités judiciaires, ce qui reviendrait en réalité à s’empêcher de penser.
Certains journalistes décrivent très bien l’usage fait par certains de l’attaque en diffamation à leur endroit : une menace destinée à faire taire. Certains politiques, des entreprises mises en cause n’hésitent pas à brandir des menaces de plainte en diffamation.
Car il y a un truc bien pratique avec la diffamation : le plaignant peut s’en désister à tout moment, ce qui éteindra immédiatement l’action publique, en arguant de n’importe quel motif (« j’ai pardonné, on a trouvé un accord » etc.), et ainsi éviter de perdre la face.
On peut donc aisément déposer plainte en diffamation sans grand risque, même en sachant pertinemment que les faits dénoncés comme diffamatoires sont….vrais ou en très grande partie vrais.
En attendant, la partie attaquée en diffamation doit se défendre, avancer des frais d’avocat, peut, comme Sandra Muller, s’astreindre au silence afin de ne pas risquer une nouvelle plainte.
Et voit toute une partie de l’opinion retenir son souffle et son intelligence en disant « ah oui mais il y a une plainte en diffamation, donc peut être que finalement ça s’est pas passé comme ça, et si ceci et si cela….. ».
«Oui mais Monsieur Brion a peut-être réellement subi un préjudice » nous diront les juristes.
"oui, mais l'opprobre qu'il récolte est sans commune mesure avec la faute initiale" nous diront les autres.
Un préjudice lié à quoi exactement ? A la révélation publique d’une scène qui s’est déroulée lors d’une soirée blindée d’invités, dont il reconnaît en substance la réalité, et qui se déroule partout, tous les jours, envers des milliers de femmes ?
Il est désolé que ses proches, ses collègues, sachent qu’il a pu se comporter comme un gros dégueulasse avec une femme ?
Sandra Muller est elle responsable que des tas de gens estiment devoir réprouver ce comportement, ou jouent les hypocrites subitement après avoir toléré ou même eu des comportements similaires par le passé ?
Ou bien son préjudice serait lié au fait que son nom puisse être associé à celui d’Harvey Weinstein ? Qu’on pense que lui, certes lourd, paillard, grivois, qui aime la « tradition française », pourrait être assimilé à un harceleur sexuel, un agresseur sexuel ou même un violeur ?
Alors je vais bien enfoncer le clou : oui, Monsieur Brion, lorsque vous agissez ainsi, en traitant une femme comme un objet destiné à assouvir vos envies sexuelles du moment en ne vous souciant absolument pas de son consentement,
vous vous situez bien dans la même veine que la plupart des agresseurs sexuels ou violeurs, qui, rappelons-le, sont dans l’immense majorité des cas des personnes dépourvues de troubles psychiques, et savent parfaitement ce qu’ils font au moment où il le font.
Nous avons évidemment conscience de la différence des actes, entre des paroles graveleuses, des attouchements ou un acte de pénétration sexuelle imposé ; nous avons évidemment conscience de la différence entre une scène isolée et des actes répétés.
Il ne s’agit surtout pas de vous dépeindre en monstre ; il s’agit bien au contraire de ramener les harceleurs, les agresseurs et les violeurs dans la catégorie des « hommes lambda ».
Et de comprendre le sous-bassement qui préside à la plupart des violences sexistes : une femme est destinée à être baisée par un homme, donc il est normal qu’un homme, lorsqu’il lui en prend l’envie, le signifie voire «se serve» sans se soucier de ce que cette femme a à en dire.
Et puis pardon, mais, elle s’adresse à qui Sandra Muller pour réclamer 50.000 € en réparation du sentiment d’humiliation qu’elle n’a pas dû manquer de ressentir pour s’être faite traiter comme une poupée gonflable,
puisqu’il n’y a eu (et je crois qu’elle a toujours été très claire là-dessus) AUCUNE infraction punissable commise ?
A qui peut-on s’adresser pour demander réparation, parce qu’on s’interroge sur la manière dont on va pouvoir s’habiller tel jour au boulot à cause de l’autre graveleux, ou dans le métro, parce qu’on se paye des taxis pour éviter le métro,
et que d’une manière générale on n’en peut plus d’être constamment, au taf, dans l'espace public, voire pour certaines encore nombreuses à la maison, renvoyées à notre condition de femme qui n’est bonne qu’au lit ?
Parce que 50.000 balles, perso, je prends.
Sandra Muller, pour avoir relu pas mal de ses interviews, ne se qualifie elle-même pas de féministe ; elle a même dit qu’elle n’aimait pas ce mot.
Je sais ce qu’on lui doit, pour avoir été la bonne personne, au bon moment, à lancer la bonne formule qui a permis à des centaines de femmes de s’en saisir. Mais je n’ai pas spécialement de sympathie pour elle sur le plan politique.
Je qualifierais même certains de ses propos d’anti-féministes. Mais là n’est pas la question du moment.
Sandra Muller, je l’envisage tout à fait, sera peut-être bien condamnée pour diffamation.
Je l’ai dit, je ne sais pas ce que contient la plainte, et je peux aisément imaginer qu’elle ne pourra pas rapporter la preuve de l’exactitude des propos qu’elle impute à Eric Brion, ou bien qu’elle aura eu une formule maladroite ou malencontreuse à un moment.
Et les juges, si ils doivent condamner, la condamneront, parce que les juges, et c’est normal, ne répondront qu’aux questions qu’on leur posera, avec un cadre d’analyse juridique ultra-rigide qui est celui de la loi sur la presse.
Sandra Muller sera donc peut-être bien condamnée pour diffamation, mais là n’est pas la question.
(PS : je lis l'article du Point qu'on vient de m'envoyer, stay tuned)
Alors, addendum, suite à la lecture de l'article du Point : no scoop, il s'agit d'une vaste pleurnicherie du début à la fin.
Précision : je n'ai aucun sentiment particulier vis à vis de Monsieur Brion, je ne lui souhaite aucun mal ; je considère qu'il s'agit d'un enième type "normalement" et moyennement sexiste comme j'en ai croisé des tas et en croiserai encore.
Mais en revanche, excusez-moi, je n'ai pas non plus de compassion particulière.
Il est tout de même un peu étrange de lire cet article ou certains tweets en réaction (coucou @quatremer) au même moment où des femmes se sont senties obligées de venir dire qu'on peut (en réalité on "doit" même) se remettre d'un viol, car on peut être fortes.
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Il faut prendre connaissance de cette histoire atroce, et peser les mots écrits par le président Tribunal de grande instance de Rennes, révélés dans cet article. #ProtectionDeLEnFance#Thread
Il ne s'agit pas ici de dédouaner qui que ce soit, non plus de pointer telle ou telle personne ou institution en particulier ; il faudrait en effet décortiquer précisément l'ensemble des éléments du dossier pour pointer les différentes défaillances et leurs causes.
Pour autant, la question des moyens alloués d'une manière générale à la protection de l'enfance, et notamment au traitement judiciaire de la protection de l'enfance, ne peut pas, ne doit pas, être évacuée.
J’ai vu pas mal de réactions passer sur le non-lieu rendu au bénéfice de Darmanin concernant la plainte de Mme Spatz-Patterson. nouvelobs.com/justice/201808…
Ce qui fait le plus réagir, c’est l’extrait de la motivation utilisée par le juge d’instruction dans son ordonnance de non-lieu :
(je cite) « Le défaut de consentement ne suffit pas à caractériser le viol. Encore faut-il que le mis en cause ait eu conscience d’imposer un acte sexuel par violence, menace, contrainte ou surprise ».
Quand même, si on résume, hors toute qualification pénale, on a : #Benalla
- un chargé de mission à l'Elysée, dont le nom et les fonctions officielles n'apparaissent nulle part, comme d'autres, et qui ne font pas de déclaration à la HATVP
- qui échange par SMS avec un flic haut-gradé en mode "chaud le maintien de l'ordre avec les gauchistes"
Le rappel à la loi suppose que le parquet estime une infraction pénale caractérisée. Si tel n'est pas le cas, le parquet classe sans suite pour "absence d'infraction" ou "infraction insuffisamment caractérisée.".
Et, en matière d'infractions sexuelles, on a un taux de classement sans suite pour ces motifs dans bien plus de la moitié des cas.
Un de mes trucs préférés : les gens qui font semblant de ne pas comprendre et s'indignent sur des trucs qui n'ont rien à voir en mode "et la prochaine étape c'est la Corée du Nord 😤😤😤 ?" <3
(ah merde, je viens de réaliser que c'est la meuf qui a fait le reportage sur la ZAD, pardon, j'ai une crise de rire, c'est nerveux)
Bon, alors, je reviens juste sur cette histoire de la FIFA et des images de supportrices sexy là. Parce que c'est qd même assez symptomatique du délire ambiant.
Hop, #thread, sur les juristes de ma TL et Causeur.
J’ai vu cet article circuler et relayé avec enthousiasme par pas mal de juristes de ma TL. causeur.fr/acquittement-m…
Evidemment je le lis. Et là, malaise.
Malaise sur le ton et un certains nombres de réflexions, mais aussi étonnement face à certains éléments factuels évoqués que je n’avais, de mémoire, jamais lus ailleurs dans la presse.