Thread by @ordrespontane

Nous sommes en 404 av. J.-C. et Darius II, le roi des rois, héritier l’empire fondé un siècle et demi plus tôt par Cyrus le Grand vient de mourir. La dynastie perse des Achéménides s’apprête donc à porter son 7ème empereur sur le trône. #Thread

L’empire des Achéménides, il faut bien réaliser que c’est un sacré morceau. Non seulement il est physiquement immense (des Balkans à la vallée de l’Indus en passant par l’Égypte) mais on estime que pas moins de 44% de la population mondiale y vivait.

Accessoirement, c’est aussi une civilisation brillante qui, non contente d’hériter de son berceau mésopotamien, s’offre en plus le luxe d’avoir intégré les savoir-faire égyptiens.

C’est LA civilisation.

Athènes, comparée à Babylone, c’est un village de paysans.

Bref, quand d’Artaxerxès II monte sur le trône, il devient rien de moins que l’empereur le plus puissant du monde. Sauf qu’il a un petit frère et que ce petit frère, Cyrus le Jeune, a fermement l’intention de lui contester cet extraordinaire héritage.

Il est ambitieux le Cyrus : le garçon n’attend même pas la mort de son paternel pour commencer à se chercher des soutiens musclés en vue d'une future accession au trône.

En particulier, le gars va faire les yeux doux aux fous furieux de l’époque : les Spartiates et notamment Lysandre, chef militaire qui bénéficiera plus que largement des financements abondants qu’un prince perse peut mobiliser quand il le veut bien.

(Parenthèse à l’attention des clowns du Bloc Identitaire : prendre Sparte comme symbole de la « résistance européenne face au monde oriental » juste parce que vous avez vu un film sur Leonidas et ses 300 spartiates, c’est d’un ridicule achevé. Sachez-le.)

Bref, quand Darius II passe l’arme à gauche, le jeune Cyrius va lever une armée de mercenaires pour essayer de dégager son frère. Et ces mercenaires, en grande partie, ce sont des grecs et en premier lieu des spartiates. Ce sont les Dix-Mille (même s’ils étaient plutôt 12 800).

Parmi eux on compte notamment Cléarque, un proche de Lysandre désormais persona non grata à Sparte, et Xenophon, grâce à qui on connait cette histoire qu’il racontera plus tard dans son Anabase.

Le choc a lieu le 3 septembre 401 av. J.-C. à Counaxa, un village sur la riche gauche de l’Euphrate pas très loin de Babylone. Forte de ses hoplites surentraînés, l’armée levée par Cyrius prend facilement le dessus sur les quelques troupes mobilisées en urgence par Artaxerxès.

Sauf que, manque de bol, Cyrius y laisse sa peau. #Oups

Et là, nos mercenaires grecs ne sont pas qu’un peu dans la panade.

Je vous résume la situation : ils sont à Counaxa, à côté de l’actuelle Bagdad, et la solution de sortie la plus proche c’est Trébizonde (act. Trabzon), une ville de l’actuelle Turquie sur les côtes de la mer noire.

De Counaxa à Trébizonde, l’air de rien, ça fait plus de 900 km à vol d’oiseau : plus de 900 km à parcourir dans le plus grand Empire que le monde ait connu jusqu’alors sachant que l’empereur dudit Empire s’est juré de leur faire la peau.

Ben ils vont le faire les mecs.

Harcelés par l’armée perse, trahis par des satrapes locaux, attaqués par toutes sortes de tribus, gelés en plein hivers dans les montagnes arméniennes et abandonnés par les autres grecs (notamment les spartiates), ils y arrivent quand même.

Bien sûr, ils ne vont pas tous s’en sortir — à commencer par Cléarque qui va y perdre littéralement la tête — mais cette bande de grecs va quand même parvenir jusqu’aux rivages de la mer noire puis, de là, jusqu’aux côtes ioniennes et à la Thrace — 1000 km de plus. #çause

C’est cette retraite proprement hallucinante que raconte Xenophon, successeur de Cléarque, dans son Anabase. Inutile de vous dire qu’à l’époque, le récit de cette aventure va en marquer plus d’un.

La grande leçon que va en tirer le monde grec c’est que c’est possible : l’immense empire perse n’est peut-être pas si invulnérable que ça. Et il y a un jeune macédonien, accessoirement fils de Philippe II de Macédoine, qui va bien en prendre note.

Il s’appelle Alexandre. #Fin