Thread by @ordrespontane

Ce 9 mai 1918, vers 10h, le lieutenant René Fonck de l’escadrille des Cigognes enrage.

Il s’est laissé entraîner dans un pari idiot avec deux pilotes ricains, Edwin C. Parsons et Frank Baylies : le premier à descendre un boche gagne une bouteille de champagne. #Thread

Et si Fonck est furieux, c’est que Baylies a décollé malgré la brume et vient de rentrer après avoir abattu un Halberstadt CL II allemand. Bref, en principe, il a perdu et il se trouve que René Fonck est un très (très) mauvais perdant.

Il faut dire qu’il n’a pas l’habitude. À ce stade, Fonck en est à 67 victoires dont 36 homologuées ce qui fait déjà de lui le 2ème meilleur chasseur français de la 1ère guerre mondiale, juste derrière le légendaire Georges Guynemer (tué en septembre 1917).

C’est-à-dire que Fonck, c’est le dernier type avec qui vous avez envie d’engager un combat aérien. Non seulement c’est un véritable virtuose aux commandes de ses SPAD mais c’est tacticien hors pair, il a des nerfs d’acier et — accessoirement — c’est un tireur d’élite.

(Au sol, le gars vous troue une pièce de dix centimes à 20 mètres de distance. Ça calme un peu…)

Quant à se petite technique de combat personnelle, c’est encore Maurice Boyau (lui-même un as de l’aviation française avec 25 boches à son palmarès) qui en parle le mieux :

« Fonck dépasse tout ce que l'on peut imaginer. Ce n'est pas un homme, c'est un oiseau de proie. Là-haut, il sent l'ennemi, il en distingue nettement à 8 ou 10 km sans être vu. Il choisit sa proie. Quelques balles suffisent, il n'y a jamais eu de riposte. »

#VoilàVoilà

En plus de ça, il faut bien le dire, Fonck a un égo surdimensionné. C’est d’ailleurs un peu pour ça que Parsons et Baylies lui ont lancé ce défit : ils commençaient à en avoir un peu marre de l’entendre pérorer et donner des cours de pilotage à tout le monde.

Mais Fonck, qui n’est pas du genre à s’avouer vaincu, a réussi à redéfinir les termes du pari : la bouteille ira à celui qui abattra le plus d’avions boches dans la journée.

Les deux ricains acceptent.

Grosse erreur.

À 10h45, Fonck décolle enfin avec deux autres avions de son escadrille et ne tarde pas à repérer un avion de reconnaissance allemand protégé par deux biplaces de combat.

Il fonce sur eux et, en 45 secondes, les abat tous les trois.

En soi, c’est déjà un exploit mais Fonck a un petit challenge personnel en tête : il veut en avoir abattu 5 avant la nuit.

(On rappelle ici que 5 victoires, c’est ce qui vaut à un pilote d’être reconnu comme un as : lui, il veut faire ça dans la journée. #WhyNot?)

Du coup, à 17h30, il décide de remettre ça et redécolle. Mais là, en sortant d’un nuage, il se retrouve nez à nez avec 4 Fokker et 5 Albatros boches.

Évidemment, à 1 contre 9, n’importe quel pilote doué de raison tournerait les talons en quatrième vitesse.

Mais là, on parle de René F*****g Fonck : après un petit moment d’hésitation, il se dit que l’occasion est trop belle et fonce dans le tas.

Résultat : il en dézingue trois pendant que les autres prennent la fuite. #CestQuiLeBoss?

Bref, en une journée et avec 52 balles seulement, Fonck a descendu six avions ennemis. C’est un record absolu qui ne sera jamais égalé par personne…

… à l’exception de Fonck lui-même : le gars remet ça le 26 septembre de la même année.

Entre temps, dès le 18 juillet, il avait rattrapé le record de Guynemer (53 ennemis confirmés) et, dès le lendemain, ajouté 3 autres boches à son palmarès.

Ce qui faisait de lui l’as de as de l’aviation française.

Là, on pourrait penser qu’il va se calmer un peu.

Pas du tout : il y a un canadien, William Avery Bishop, qui en a 72 au compteur. Fonck le rattrape le 30 octobre puis, dans les deux jours qui suivent, en descend trois autres pour passer devant.

Ce qui porte donc le score de Fonck à 75 victoires homologuées et fait de lui l’as des as de *toutes les armées alliées*. #AchievementUnlocked

En encore...

Le système d’homologation français est le plus strict de tous (il faut que l’avion ennemi soit tombé derrière les lignes françaises et qu’au moins deux types au sol aient confirmé les détails du combat).

Si on compte l’ensemble des victoires de Fonck, on tombe quelque part entre 127 et 149 avions ennemis abattus (à titre de comparaison, Manfred von Richthofen, le célèbre « baron rouge » allemand, a été crédité de 80 de ses 83 victoires.)

Même en retenant la borne basse de cette estimation, ça fait de René Fonck — attention les yeux — le meilleur pilote de chasse de tous les temps (et d’assez loin). #Fin

La direction rappelle aux lecteurs et lectrices que le menu des petites histoires dans la grande est ici :

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