L'éolien, c'est un moyen de production d'électricité intermittent. Oui, je malmène sans finesse de pauvres portes ouvertes, mais certains n'en sont pas encore conscient.
On m'y répondit a plusieurs reprises que je raisonnais sur le système fermé franco-français. Et que la transition énergétique, il ne fallait pas la voir comme ça, mais a l'échelle d'un immense maillage du réseau électrique à travers toute l'Europe.
Ainsi, de par la variété des vents sur le vieux continent, il y a toujours un endroit où souffle une brise a même d'alimenter ceux où l'air est statique.
Ainsi, les variations de production - mais aussi de consommation, mais c'est un autre sujet - s'en retrouvent lissées.
Bon, ce concept présente de nombreux écueils - fonctionnement du marché, capacité des interconnexions, pertes, coût de renforcement du réseau, gestion des pics simultanés...
Mais sans discuter de sa faisabilité technique et économique, je vais simplement regarder l'hypothèse à sa base : est-ce qu'à l'échelle du continent, les alizés sont à peu près uniformes ?
Spoiler : ils ne le sont pas. Par contre il paraît que cette théorie fonctionne assez bien sur le continent nord-américain, quelqu'un a de la doc là-dessus ?
Quoi qu'il en soit, revenons en France. Le site d'ENTSO-E, le Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité, met a disposition les courbes de production électrique de chaque pays, heure par heure, moyen de production par moyen de production.
C'est d'ailleurs sur les données d'ENTSO-E ainsi que, pour la France, de @eCO2mixRTE que se base l'excellent site electricitymap.org de @tmrowco pour produire sa carte en temps réel des émissions de CO2 des mix électriques des différents pays européens.
Vous pouvez aussi retrouver cette carte sur l'application mobile "Electricity Map".
Bon, la base de données ENTSO-E n'est pas follement pratique à manipuler. Les données brutes sont à télécharger pays par pays. Et même réseau par réseau.
Si la plupart des pays n'ont qu'un réseau, deux à tout casser (Danemark), et si l'Allemagne, le Luxembourg et l'Autriche se regroupent sous un seul réseau...
L'Italie a plus d'une dizaine de réseaux différents ! Et autant de fichier à télécharger.
Et c'est pas optimisé, hein ! Faut sélectionner un pays/réseau [patientez], "Export Data", "Year.xlsx", enregistrer sous, donner et nom... Pour les dix réseaux italiens et pour chaque autre réseau :(
Bon, pas question de faire toute l'Europe à ce niveau. Et puis, quel intérêt ?
J'essaye de sortir d'un point de vue fermé sur la France, mais je reste centré sur la France : j'ai pris tous les pays interconnectés à la France, et tous les pays interconnectés à ceux-là.
Toutes les relations au deuxième niveau, en quelque sorte.
Ainsi, sans aller jusqu'en Ukraine, je pousse jusqu'à la Pologne à l'Est, le Danemark au Nord, l'Irlande à l'Ouest et le Portugal au Sud. J'vous filerai la liste complète.
Et, basique, je récupère les productions éoliennes onshore et offshore de tous ces pays (France incluse)...
...et je somme le tout, point par point (pas horaire, pour rappel). Et j'obtiens une charmante courbe de la production éolienne en Europe de l'Ouest du 1er Janvier dernier au 31 août dernier.
Bon il manque quelques données sur les derniers jours d'août, c'est approximatif.
Bon, sans rire, ça fait un paquet de turbines, hein. 150 GW, à une vache près. Si je prends la moyenne française d'environ 2.2 MW/mât, ça fait 70 000 éoliennes.
Même puissance que le parc hydro de toute l'UE, un peu plus que son parc nucléaire.
Et la résultante de tout ce parc, c'est ça.
Liste des pays et de leurs parcs respectifs, et quelques données statistiques de base inclues sur la figure.
Alors j'ai conscience que c'est pas une courbe super agréable à regarder sur mobile, et peut-être même pas simple sur PC, une fois redimensionnée sur Twitter.
Bon. C'est sans appel... Ça fluctue toujours énormément, même à cette échelle de 3000*3000 km. On produit entre 7% et 60% de la puissance nominale, ce qui n'est pas sans rappeler le cas français isolé :
J'avais une zone de texte avec la moyenne et les extrema qui s'est perdue de la figure en cours de route. De mémoire, la moyenne était entre 38 et 39 GW, quant aux extrema, vous pouvez les évaluer sur la courbe.
Au final, à cette vaste échelle, que conclure ? Tout simplement que 150 GW peinent à garantir une puissance d'une vingtaine de GW (délivrée 90% du temps sur cette période).
Et dans le cas où l'on est prêt à payer le déploiement de 150 GW pour seulement 20 GW de puissance disponible en à-peu-près-base, il faut prévoir de gérer des pics de 80 à 90 GW. Ou accepter de laisser se perdre l'essentiel de la (sur)production.
Alors... Certes, on peut concéder un très faible effet foisonnement, parce qu'on arrive à ne tomber sous les 10 GW que très, très exceptionnellement, et qu'on arrive à soutenir 20 GW une large partie du temps, ce qui est est quand même une performance honorable.
Mais la puissance à-peu-près garantie est de l'ordre du dixième de la puissance installée. L'intermittence est toujours là, considérable, avec de production stratosphériques et d'autres abyssales, et le problème de back-up reste entier.
- Soit on se contente de 10 GW garantis par 150 GW installés et payés, pas de back-up requis, mais une production très largement excédentaire l'essentiel du temps et donc une équation économique infernale.
- Soit on cherche à utiliser toute la puissance mais il faut prévoir un back-up pilotable d'environ 130-140 GW pour un parc éolien de 150 GW. Là encore, l'équation économique n'est pas simple. Et si le back-up est fossile, ne parlons même pas de l'équation écologique !
Je mettrai à l'occasion en lien le fichier Excel en lien pour qui voudrait jouer avec les données.
En attendant, je vous renvoie vers le haut du thread, merci de m'avoir lu jusque-là, et gardez cette courbe sous le coude ;-)
Quelques ajouts suite à divers échanges hier.
Encore une fois, on m'a reproché d'omettre l'énergie #solaire.
Comprenez bien : si je ne parle souvent que d'#éolien et de #nucléaire, c'est pour ne pas tirer sur l'ambulance !
Quasiment tous les reproches que je fais à l'éolien : puissance garantie VS puissance installée, absence de foisonnement, variations importantes, décorrélation avec la consommation, et évidemment impossibilité de piloter la production...
Tous ces défauts s'appliquent au centuple au solaire !
La production tombe à zéro, que ce soit à l'échelle française ou ouest-européenne, environ 365 fois par an, plusieurs heures de suite à chaque fois.
La puissance garantie est donc rigoureusement nulle.
Les pics sont très variables d'un jour à l'autre, et encore plus d'une saison à l'autre. Et l'hiver, quand la demande est la plus forte, la production solaire est non seulement très faible../
/.. mais en plus elle se répartit sur une durée très limitée. Qui évite soigneusement les pics de consommation, avec une puissance quasiment nulle à ces moments.
Bien évidemment, pas de foisonnement ni de pilotabilité.
Oh, et un impact environnemental plus important que l'éolien. En termes d'émissions de GES, mais aussi en quantités de matériaux consommés par kWh - et en variété de ces matériaux
Par contre on peut concéder au solaire que la production est plus aisée à prévoir que celle de l'éolien. Mais c'est léger comme avantage.
Du coup, j'parle en général pas trop du solaire parce que ça n'apporte rien de plus...
Néanmoins, j'ai ajouté à ma courbe d'hier la production solaire. Dans les mêmes conditions, même graphe, mêmes échelles (j'ai pas été voir les puissance installées par contre. Cause : flemme).
Ça donne ça.
En bleu, solaire et éolien. En vert, éolien seul (la courbe d'hier donc).
On a certes un décalage vers le haut, surtout à partir de mai, quasiment insignifiant l'hiver.
Mais outre cet offset, ça ressemble surtout à un ajout de bruit sur un signal déjà pas très lisse.
Et pour cause, quand on regarde le solaire seul, bah... Ça ressemble quand même beaucoup à du bruit :
Notez que cette courbe (et donc la courbe bleue avant) comporte pas mal d'artéfacts. De données erronées.
Dans le tableur, j'ai vu des nuits avec une production maintenue à quelques centaines de MW 🤔 avec des pics à plusieurs GW 😱 !
Donc l'allure est à prendre en compte, pas les détails 😬
Et en parlant du tableur, je vous le mets là (c'est la version d'hier, sans ces courbes donc, mais les données y sont).
Par contre je capte que j'ai pas fait la moindre mise en forme... C'est un travail très sale, d'un auteur qui cherche pas du tout à être compris par autrui 😅 Désolé ! J'en ferai peut-être une version plus propre ultérieurement.
En un mot, j'ai un onglet par pays, un onglet où je fais la somme des précédents, et un onglet "de travail", où je récupère les données qui m'intéressent et je trace la courbe.
Et dans mes données brutes, les dates apparaissent pas. Désolé, la faute au format pourri des fichiers d'ENTSO-E, ça a été plus simple de faire sauter les dates.
Ça démarre au 01/01/2018 et ça incrémente d'un jour toutes les 24h (oui, oui, les portes ouvertes, je sais).
On m'a demandé les courbes pour le seul éolien #offshore.
C'est vrai qu'on entend souvent que les vents marins sont bien plus continus que les vents sur terre. Une solution (au moins partielle) au problème d'intermittence ?
Bof.
Scrogneugneu, la zone de texte avec min/max/Moy a encore sauté ><
Remarquez que y'a un changement d'échelle d'un facteur 10 entre ce graphe et les précédents, hein ;)
Les variations n'en paraissent que plus violentes.
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Je garde bien en tête que je dois vous parler prochainement de #déchetsnucléaires, mais je me suis dit qu'un petit préliminaire de vocabulaire s'imposait.
À l'origine de ce thread, quelque chose que j'avais lu il y a quelques temps : quelqu'un qui avait peur que les rayonnements qui sortiraient de Cigéo irradient tout le monde aux alentours.
Et là, j'ai bien du admettre que la radioactivité est un concept pour certains fort obscur.
La radioactivité, c'est le phénomène de transformation d'un atome en un autre atome, qu'on appelle décroissance, qui s'accompagne, pour des raisons de conservation de la masse et de l'énergie (rien ne se perd, rien ne se créé, tout ça tout ça ) d'une émission d'une particule.
Bon, aux dernières nouvelles, j'avais laissé un REP sans alimentation externe, sans alimentation interne, sans aide extérieure possible, au bord de l'accident #nucléaire.
Alors, d'abord, une petite déclaration de... Non-intérêt :p
Je ne travaille pas dans le domaine des accidents graves de réacteurs.
Donc je me base sur des souvenirs de cours, essentiellement ^^
Il est par conséquent tout à fait possible que je fasse quelques erreurs, ou quelques omissions ou hypothèses un peu fortes. Mais je ne doute pas qu'on me le fera remarquer, donc il y aura peut-être des errata en fin de thread ;)
Un sujet majeur depuis #Fukushima : et si on perdait toutes les alimentations électriques d'un réacteur ? 😱
Un disclaimer préalable : je vais me focaliser sur les réacteurs français, de type « Réacteur à Eau Pressurisée » (REP). Ce que je vais dire ne sera que très partiellement applicable à d'autres réacteurs, notamment les REB de Fukushima.
Pour commencer, à quoi ça ressemble, un REP, et comment ça fonctionne ?
Je pique à @Framatome_ cet excellent visuel :
« De nouveaux EPR, mais c'est de la folie, on n'a même pas terminé celui de Flamanville et il coûte super cher avec beaucoup de retard ! »
Okay. Du coup, admettons qu'il faille de nouveaux réacteurs nucléaires (parce qu'on se passera pas de tout notre parc quand il sera usé).
Dans ce cas, on a, en gros, deux options, avec de petites nuances autour de chacune :
1) On attend le dernier moment pour lancer de nouveaux chantiers d'EPR, 10 ans après la fin du premier, en laissant les gens oublier leurs erreurs et les personnes compétents partir ailleurs.