Quand Beaumarchais débarque à Londres, en ce mois d’avril 1775, il ne vient clairement pas faire du tourisme : d’une part, ses démêlés judiciaires lui donnent quelques raisons de s’éloigner mais surtout, il est en mission secrète pour Louis XVI. #Thread
Il faut dire ici qu’en plus de sa carrière littéraire, le Pierre-Augustin est aussi espion : depuis un an, il est agent du Secret du Roy, organisation ultraconfidentielle mise sur pied par Louis XV et qui n’avait de comptes à rendre qu’à lui-même.
Or, outre le Royaume et ledit service secret, Louis XVI a hérité de son prédécesseur d’un emmerdement de classe internationale qui, justement, se trouve à Londres : il s’agit de Charles Geneviève Louis Auguste André Timothée d'Éon de Beaumont — a.k.a. le Chevalier d’Éon.
Né en 1728 à Tonnerre (Bourgogne), ce d’Éon-là est, faute de meilleur mot, un pur génie.
À 25 ans, le gars était docteur en droit civil et en droit canon, il parlait une foultitude de langues et avait déjà publié un traité de finances publiques fort remarqué.
Accessoirement, il est aussi loin d’être manchot : non seulement c’est un cavalier émérite mais surtout, on le considère volontiers comme une des meilleures épées de son temps — en tous cas la meilleure de Paris.
Enfin et peut être surtout, d’Éon a un talent absolument stupéfiant pour ce faire des amis parmi les puissants de ce monde.
C’est sans doute ce qui lui a valu d’être lui-aussi recruté par le prince de Conti au sein du Secret du Roy en 1755.
Au début, d’ailleurs, d’Éon n’a donné à Louis XV que des motifs de satisfaction.
Dès sa première mission, à la cour de la tsarine Élisabeth, le gars (qui n’a pas 30 ans à l’époque) s’est quand même débrouillé pour négocier tout seul le ralliement de la Russie à la cause française contre l’Angleterre et la Prusse.
Ensuite, durant la guerre de Sept Ans et désormais capitaine des Dragons sous les ordres du maréchal de Broglie, le même d’Éon s’est illustré non seulement par son maniement exceptionnel des armes mais aussi par son courage.
Petite anecdote : de Broglie voulait absolument interroger quelques officiers prussiens de haut-rang sauf qu’il n’en avait aucun sous la main. Pour d’Éon, ça n’est pas un problème : il suffit d’en récupérer quelques-uns. #BenVoyons
Le gars prend 90 dragons avec lui, pénètre 9 kilomètres derrière les lignes prussiennes et revient quelques heures plus tard avec un régiment entiers de prisonniers (900 fantassins) et une dizaine d’officiers prussiens. #Badass
Las, les armées françaises se font tailler en pièce : il devient urgent de signer une paix honorable avec l’Angleterre. Louis XV rappelle d’Éon et l’envoie à Londres en qualité de secrétaire de l’ambassadeur de France, le duc de Nivernais.
C’est là que notre chevalier réussit son deuxième grand coup d’éclat : après avoir copieusement arrosé les anglais de vin de bourgogne, il met la main sur un document qui décrit point par point jusqu’où ils sont prêts à négocier.
En février 1963, la paix est signée.
Évidemment, tout Versailles l’acclame et Louis XV l’adore : outre un gros paquet de pognon, le Roi lui décerne la très prestigieuse Croix de Saint Louis et, Nivernais étant malade, le nomme ambassadeur par intérim à Londres.
Sauf que ce titre prestigieux, en fait, c’est une couverture. En réalité, d’Éon a reçu par écrit, signé de la main de Louis XV, une autre mission secrète : il s’agit carrément de faire le point sur les défenses côtières anglaises pour préparer un débarquement.
Là encore, d’Éon fait des merveilles : non seulement il remplit sa mission à la perfection mais il fait ça tout en faisant de l’aristocratie anglaise son fan club personnel avec George III himself comme président.
Bref, le succès est total.
Sauf que, c’est aussi à cette période que d’Éon commence à partir en sucettes. Sans doute enivré par son propre succès, le type se met à claquer des sommes phénoménales à coup de réceptions somptueuses dont il adresse les factures à Choiseul.
Mais là où ça part vraiment en vrilles, c’est quand Louis XV nomme le comte de Guerchy ambassadeur de France à Londres.
Le truc, c’est que d’Éon et Guerchy se haïssent mutuellement depuis la guerre de Sept Ans.
Du coup, c’est la guerre totale entre les deux : d’Éon se paie Guerchy à coup de pamphlets vitriolés dans la presse britannique tandis que l’ambassadeur aurait carrément tenté de faire empoisonner son adversaire — pour les anglais, évidemment, c’est la séance #popcorn.
Forcément, Louis XV soutient son ambassadeur et déchoit d’Éon de ses fonctions.
Et là, c’est le drame : en 1764, le chevalier grille un fusible et se met carrément à menacer de révéler la véritable nature de sa mission aux anglais.
Autant vous dire que, vu de Versailles, c’est un énorme merdier.
Non seulement d’Éon a largement de quoi prouver que Louis VX a vraiment envisagé d’envahir l’Angleterre mais en plus il a tout Londres avec lui, à commencer par George III et la reine Charlotte.
Bref, la mission de Beaumarchais s’annonce déjà bien coton mais il y a mieux encore (ou pire, c’est selon).
C’est à ce stade que l’histoire tourne au #WTF le plus complet.
Il se trouve que, depuis quelques temps, notre chevalier se balade dans les rues de Londres habillé en femme et qu’il explique à celles et ceux qui s’en étonnent qu’en réalité, il est *vraiment* une femme.
Évidemment, cette nouvelle affaire fait un buzz monumental et tous les bookmakers de Londres se mettent à prendre des paris sur le sexe de d’Éon qui, du coup, devient encore plus célèbre… et embarrasse d’autant plus Louis XV.
Début 1774, le Roi, n’en pouvant plus de passer pour un pitre, avait sommé le chevalier de dire une bonne fois pour toute s’il est un homme où une femme.
Et là, à la stupeur générale, d’Éon avait confirmé qu’il relevait bien du beau sexe.
Le chevalier est donc une chevalière qui explique que son père voulait absolument avoir un fils et que, pendant toutes ces années, elle avait simplement joué la comédie.
On a même envoyé un médecin palper son entrejambe pour vérifier… et il a confirmé !
D’où la présence de Beaumarchais à Londres en 1775 : il faut absolument récupérer les papiers compromettant que détient la demoiselle d’Éon et, accessoirement, mettre fin à cette mascarade qui dure déjà depuis une dizaine d’années.
Et que fait notre chevalière de 47 printemps quand elle apprend que l’irrésistible Beaumarchais vient négocier avec elle ?
Eh ben elle le drague.
Les journaux londoniens iront jusqu’à annoncer leur mariage imminent.
Au total, les tractations vont durer pas moins de 14 mois. De guerre lasse, la demoiselle d’Éon va finir par accepter les conditions qu’on lui impose : elle peut revenir en France à condition de ne plus s’habiller que conformément à son sexe.
C’est ce qui nous amène au 23 novembre 1777, date à laquelle la demoiselle d’Éon doit être officiellement présentée à la cour — et mettre un ainsi un terme définitif à sa carrière de capitaine des Dragons et d’espion du Roi.
Elle a bien tenté, pour y échapper, d’expliquer qu’elle n’avait pas les moyens de se payer une garde-robe digne de son rang sauf que, manque de bol, Marie-Antoinette décide de lui venir en aide et lui envoie même sa couturière personnelle. #fail
Voilà donc notre demoiselle d’Éon dans ses plus beaux atours qui défile devant la foule des courtisans en jurant et en crachant comme un capitaine des Dragons.
Les mauvaises langues affirment même qu’elle portait des bottes et des éperons sous sa robe.
Quand la guerre d’indépendance américaine éclate, la demoiselle rêve d’y aller pour se battre et revêt son uniforme de Dragon. Elle se retrouve illico en prison puis, à sa sortie, assignée à résidence chez elle, à Tonnerre, jusqu’en 1783.
En 1785, elle retourne en Angleterre pour y payer ses arriérés de loyer... et décide finalement d’y rester. Ici, au moins, se dit-elle, on l’aime.
Pas de bol : avec la Révolution, elle perd ses revenus et tous ses biens en France.
Pour survivre, la demoiselle d’Éon en est réduite à vendre sa bibliothèque (8000 bouquins !) et à participer à des combats d’épée grassement rémunérés — notamment contre le chevalier de Saint-George (qui mériterait bien un thread lui aussi).
Malheureusement pour elle, en 1796 elle est gravement blessée et doit se résigner à partager la modeste maison de Mary Cole, la veuve d’un ingénieur de la Royal Navy.
Elle finit sa vie dans la misère et meurt seule et oubliée de tous le 21 mai 1810.
C’est lors de sa toilette mortuaire que Mary, son amie, réalise avec stupeur que la chevalière était bel et bien un chevalier — conclusion qui sera par ailleurs confirmée par des médecins au-dessus de tout soupçon lors de son autopsie.
Bref, c’est une certitude : le chevalier d’Éon était un homme. Ce qu’on ne sait pas, en revanche, c’est pourquoi il s’est mis en tête, à partir de début 1764, de se faire passer pour une femme. Là, c’est le mystère total et chacun y va de sa petite théorie.
La plus rigolote, c’est celle de Frédéric Gaillardet (1808-1882) : d’Éon serait le père de George IV d’Angleterre et il aurait fait tout ça pour épargner la réputation de la reine Charlotte.
Bref, comme tout ce qui touche d’Éon, un truc complètement tordu. #Fin
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Fin octobre 1941, les services de renseignement britanniques sont en alerte maximale : il semble que les nazis aient finalement réussit à infiltrer des agents en Angleterre ; on vient d’intercepter les messages du chef de leur réseau, un certain ‘Arabel’. #Thread
Dans ses messages interceptés par les brits, Arabel avertit ses maîtres de l’Abwer (le renseignement militaire nazi) qu’un convoi de la Royal Navy a quitté la baie de Caernarvon, au pays de Galles, et fonce désormais dans l’Atlantique, droit vers le sud.
Détail troublant, néanmoins : ce convoi n’existe pas. Même pas en rêve.
Suis à Chamonix. C’est plein d’étrangers. Des britanniques (en masse), des néerlandais, des allemands, des espagnols, des russes, des japonais, des chinois, des indiens...
Comme je suis un habitué, je peux vous confirmer que tout ce petit monde vient ici pour profiter de la montagne. On les retrouve sur les chemins de moyenne montagne ou, pour les plus sportifs, en haute montagne.
Seule exception : les arabes (les vrais hein, ceux qui viennent de la péninsule). Eux, ils restent en fond de vallée, là où il y a des boutiques de luxe.
En 1996, Alan Sokal, professeur de mathématiques et de physique, a eu une idée amusante : écrire un monument de pseudoscience et le faire publier dans une revue de ‘sciences sociales’ postmoderne. #MiniThread
Le point principal de Sokal, c’est que l’idée selon laquelle il existe une réalité objective, indépendante de nous, dont nous pourrions comprendre les lois grâce à de (« prétendues ») méthodes scientifiques est en réalité un dogme imposé par les intellectuels occidentaux.
Or, note l’auteur, un certain nombre de « percées conceptuelles récentes » montrent que « la ‘réalité’ physique est au fond une construction sociale et linguistique » et que le discours dominant relayé par la communauté scientifique…
Voilà la situation : vous êtes sur une portion d’autoroute limitée à 90 km/h (qui pourrait être, par exemple, l’A51 entre Aix-en-Provence et Marseille, aujourd’hui vers 15h10. [1/x]
Évidemment, comme vous avez un permis de conduire standard, vous respectez cette vitesse maximale scrupuleusement. Genre, vous roulez au régulateur pour être sûr de ne pas vous rendre coupable de violence routière.
Fatalement, la voiture devant vous roule à 85 km/h. Du coup, vous la rattrapez petit à petit et finissez par la doubler sur la voie de gauche (comme il se doit) mais lentement parce que 5 km/h d’écart ça ne fait pas une grosse différence.
Pour celles et ceux qui s’intéressent à la guerre du Vietnam, je ne saurais que trop recommander 'The Vietnam War: A Film by Ken Burns and Lynn Novick' sur Netflix. C'est magnifiquement fait et extraordinairement intéressant.
De l’aide militaire apportée par Truman au français dès septembre 1950 à la chute de Saigon en avril 1975, les États-Unis sont quand même restés dans ce bourbier pendant près de 25 ans et sous 6 présidents (Truman, Eisenhower, Kennedy, Johnson, Nixon et Ford.)
En terme d’engagement de troupes sur place, on est passé des 900 ‘conseillers’ d’Eisenhower, à 16 000 gars à la mort de JFK puis à — tenez-vous bien — 543 482 hommes et femmes à la fin de la présidence de Lyndon Johnson.