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May 13, 2018 106 tweets 30 min read Twitter logo Read on Twitter
On m’a envoyé hier un lien vers des ressources pédagogiques à propos de la controverse autour d’#Alésia. Oui, nous allons évoquer un épisode important pour notre mère patrie, la victoire d’Allésia. ⬇️ #thread
cc @Jonhattan_V
➡️ reseau-canope.fr/cndpfileadmin/…
2 mots de contexte : j’ignore qui est l’auteur du document dont on va parler et mon idée n’est pas le moins du monde de dénigrer les ressources du @reseau_canope. Qui est un très bel et très précieux outil (d’habitude).
Les enseignants connaissent bien le réseau Canopé / ex-CNDP. Cet organisme de @EducationFrance a pour principale mission de produire et diffuser des ressources pédagogiques à destination des profs (latin/histoire, ici).
Ici, l’idée est de présenter à des collégiens la controverse sur la localisation d’Alésia et de faire travailler leur #EspritCritique. Ça aurait pu être une bonne idée… si l’auteur de ce travail n’était pas lui-même en plein doute face au consensus scientifique sur la question.
Rappel : le site de la bataille César/Vercingétorix correspond à @AliseSteReine en Côte d’or. Un moine du IXe s. l’avait écrit, des #fouilles l’ont confirmé au XIXe s. puis dans les années 1990. Cela fait consensus dans la communauté scientifique nationale et internationale.
IL N’Y A PAS DE CONTROVERSE SCIENTIFIQUE SUR CE POINT !
Il existe en revanche des #gens qui expriment des théories divergentes sur leur blog, leur site internet, leur émission de radio, voire dans les pages de discussion de @Wikipedia, etc.
La plupart du temps, il s’agit d’amateurs, actifs ou retraités, isolés ou regroupés dans des associations, se déclarant passionnés par notre histoire, certains travaillent dans le secteur bancaire, le BTP, sont d’anciens militaires, d’anciens profs...
ou des habitants d’une commune se revendiquant comme la vraie Alésia... Une toute petite minorité (15 personnes ?) publie ou produit des contenus sur la question comme Danielle Porte, Franck Ferrand, Emile Mourey…
Ils sont inaudibles scientifiquement, ne publient pas dans les revues scientifiques, commettent des erreurs grossières, méconnaissent largemt les méthodes historico-archéologiques et sont convaincus d’avoir raison seuls contre le reste du monde qui vit dans le mensonge.
Médiatiquement, en revanche, leur voix intéresse : les cas où les médias parlent d’Alésia sans remettre sur le tapis cette histoire de controverse sont rarissimes. Oui, mettre en scène un débat vivant fait + d’audience qu'inviter des gens expliquant q la question est réglée.
Fin de la parenthèse et retour à la ressource pédagogique qui se propose de faire découvrir la controverse d’Alésia. Voyons de quelle manière elle s’y prend.
La posture derrière ces fiches est en fait celle des plateaux TV ou radio : thèse A vs thèse B avec un arbitre supposé neutre (l’auteur de ces fiches/l’animateur).
Traitement à égalité des 2 « théories » afin qu’à l’issue du « débat », le spectateur puisse se faire son opinion.
Une posture très en vogue : la Commune, pour ou contre ? la colonisation, bien ou pas bien ? les Chouans, génocide ou pas ?
Ces questionnements binaires ont le mérite d’être accessibles à ts et de susciter l’intérêt pq’on réveille à coup de pensée critique l’histoire à papa.
Sauf que la réelle pensée critique, celle qui est fondée sur la critique des sources, est du côté de l’histoire en tant que discipline scientifique. La critique des sources est une pratique exercée au quotidien par les historiens, c’est une méthode raisonnée.
La critique, ce n’est un réflexe consistant à tout mettre en doute à l’aune de son bon sens personnel jusqu’à ne plus croire en rien d’autre qu’à ses constructions propres.
L’arrière fond de tout cela, c’est le complotisme, l’idée qu’il y a une histoire officielle et des secrets d’histoire qu’on vs cache, qui sont dans l’ombre, que le savoir enseigné officiel est une imposture, c’est du #complot d’Etat à tour de bras, des falsifications, etc.
Si on veut entraîner les collégiens à exercer leur esprit critique, je ne crois pas qu’il faille leur mettre sur le même plan discours scientifique et discours para-scientifique.
A moins de considérer que le discours historique relève de l’opinion, et non de la science.
Le doute critique qui est le cœur du métier de l’historien, appliquons le donc à ce document pour faire la part des choses, ce qui ne revient pas à considérer que toute chose est égale par ailleurs et que A vaut bien B.
Résumé rapide de ce qu’on appelle la « critique des sources » (Wikipédia) : fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9th…
La fiche est composée de 5 onglets que nous allons dérouler successivement.
1er onglet : la controverse
1 : On commence par une citation des années 1950 d’un ponte de l’histoire romaine qui indique qu’Alésia=Alise est « partout admise sans discussion ».
Si l’objectif est d’éveiller l’esprit critique, « admettre sans discussion », c’est mal => -1 pour Alise donc, précisément dans la citation supposée défendre ce site. De +, le lecteur de Canopé doit savoir que Carcopino a exercé de hautes responsabilités sous Vichy => Alise : -2.
2 : Chaux des Crotenay est présenté (sans arguments) comme la seule alternative crédible. Cette thèse défendue par Danielle Porte « provoque la colère des partisans du site « traditionnel » ».
Plutôt que colère, on aurait pu dire indifférence/consternation/sourire et plutôt que « partisans du site « traditionnel » », scientifiques/historiens/archéologues. Une formulation plus neutre et plus vraie, en somme.
Rappelons qu'a priori historiens et archéo ne sont « partisans » de rien, ils cherchent à établir la véracité des faits à partir de sources textuelles, partiales et partielles, et de sources matérielles, souvent lacunaires.
Contrairement à ce que soutiennent les partisans d’Alesiae alternatives, historiens et archéologues n’ont aucune espèce d’intérêt à ce qu’Alésia soit ici plutôt que là. Le tourisme n’est pas notre premier moteur, pas plus que le chauvinisme comtois ou bourguignon.
(même si à titre personnel, je ne mangerai JAMAIS une Morteau avec de la moutarde)
Mais en France, chez les #Gaulois, #Alésia, ça intéresse ! #Totor c’est pour ainsi dire notre premier roi de France. Celui qui rassemble des peuples alors indépendants contre un ennemi commun ! C’est la Résistance contre l’envahisseur !
C’est surtout des foutaises mais bon. Surtout ne mentionnons pas tous les Gaulois qui au cours des opérations combattent aux côtés de Rome (Eduens, Atrébates et surtout les indéfectibles Rèmes), ils se feraient traiter de collabos avec une telle façon de lire l’histoire antique.
3 : citation d’un spécialiste actuel en faveur du consensus scientifique immédiatement contrebalancée par des sites internet non cités et une émission de TV (C+, 2008).
...
Plus rien n’a de sens, plus rien ne va.
3 mots sur le documentaire « Spécial investigation », Canal +, 2008, B. Cadi :
- propagande
- jurassienne
- forcenée
Je fais un cours de 6h @UniversiteCergy sur ce documentaire pour le déconstruire façon puzzle, séquence par séquence : voix off orientée, non-dits, sous-entendus, mensonges, montage biaisé des itw des « alisiens » interrogés, etc.
[On en parlera une autre fois si vous voulez]
2e onglet : la redécouverte d’Alésia
1 : l'auteur nous prévient que les fouilles de Napoléon III à Alésia (Alise, donc) sont contestées depuis longtemps, même si les recherches archéologiques plus récentes se poursuivent.
2 : disqualification de l’inscription de Martialis (trouvée dans un temple gallo-romain d’Alésia début XXe s.). Cette inscription gauloise s’achève par un « in Alisiia » qui devrait pourtant laisser peu de doute...
C'est comme le
in Alisiia signifie "à Alésia" (lieu où l'on se trouve)
Remettons les choses au point : on a trouvé cette inscription sur le site indiqué comme étant Alésia par un moine du IXe s. et autour duquel des fortifications correspondant à celles de César + du mobilier archéologique gaulois et romain ont été trouvées dans les 1860’.
Et il faudrait croire que ce « in Alisiia » ne veut pas dire Alésia mais autre chose ? Là, on n’est plus dans la critique des sources mais dans l’hyper-critique, càd dans l’erreur. That’s #bullshit comme dirait notre président.
[pour info, le plot twist des anti-Alise consiste à dire qu'on n'est pas à Alésia mais à Alisia]
Une Alisia où s'est tenu en 52 av JC un affrontement avec des Gaulois (ceux qui ont répondu à l'appel de Totor), des Romains, des Germains, etc, etc. mais qui n'est pas Alésia.
3e onglet : quelques points de discussion.
[sans doute la page qui m'a le plus énervé]
Il s’agit d’un tableau montrant sur quels points le site d’Alésia/Alise ne correspond pas à la description césarienne d’Alésia. Démarche intéressante. Sauf que... Sauf que...
Sauf qu’une colonne #Chaux des Crotenay apparaît là et qu’on comprend que l’enjeu est en réalité de montrer que Chaux colle mieux qu’Alise.
La mère des arguments anti-Alise : le site officiel n’a aucune espèce d’écho avec la description que César en donne (bullshit, once again).
Ligne 1 du tableau : 3 cases, 3 erreurs.
« César affronte les Gaulois chez les « Séquanes » ». Cette affirmation est présentée comme une citation scientifique du texte de César. Retournons donc au texte tout de même au cas où…
Ah… le texte dit « César faisait route en direction du territoire des Séquanes quand… » mais… s’il y allait, c’est donc qu’il n’y était pas, me semble-t-il. En latin, in+ accusatif indique la destination, le lieu où l’on va, le mouvement vers.
Il faut avoir que ce passage est crucial pour ceux qui contestent Alésia=Alise. Ils tordent la traduction de César pour lui faire dire « César faisait route en territoire séquane quand… ». Comme si in + accusatif indiquait le lieu où l’on est (in + ablatif).
En latin, on distingue le lieu où l’on est (in Sequanis), le lieu où l’on va (in Sequanos), le lieu d’où l’on vient (ex Arvernis) et le lieu par où l’on passe (per Lingones). Selon le cas, les prépositions et les cas diffèrent.
Je ne montre pas ma grammaire latine à tout le monde, vous avez de la chance.
Mais en quel nom tordent-ils la phrase de César (hormis que ça les arrange de situer Alésia en territoire séquane, càd grosso modo en Franche-Comté, et non en Bourgogne) ?
Parce qu’un auteur grec, postérieur de 2 siècles, Cassius Dion, qui à la différence de César n’est pas un acteur des faits et ne connaît pas la région, dit quant à lui que César était « en tois Sequanois », en + datif indique le lieu où l’on est.
Exemple magistral (et assez bien mené) des circonvolutions déployées par les pro-Jura pour persuader que le complément de lieu où l’on va, employé par César, n’est pas autre chose qu’un complément de lieu où l’on est : archeologie-alesia.fr/addenda/in-seq…
Revenons à notre tableau qui prend donc le parti anti-Alise de considérer que César était chez les Séquanes. Adios la neutralité de l’organisateur du débat Alise vs Chaux : il est désormais clair que l’auteur de la fiche n’adhère pas au consensus scientifique (Alésia = Alise).
La séquence est donc en réalité consacrée à montrer aux collégiens que la vérité n’est pas du côté du discours officiel/scientifique. Et là, on peut sérieusement se demander si ça a sa place sur @reseau_canope...
Case 2 : la note (pas visible sur la capture d'écran) indique que Carcopino (en 1958) a fait en sorte de caser Alise chez les Séquanes. Théorie qui n’a pas trouvé de confirmation, et qui ne fait pas du tout l’objet d’un consensus scientifique…
Case 3 : Les Séquanes ne sont pas uniquement situés dans le Jura mais aussi, par exemple, dans le Doubs où se situe leur capitale Vesontio / Besançon mais passons.
Ligne 2. J’adore la ligne 2. Il n’y a tout simplement rien dans la colonne « texte de César » alors que le tableau était censé montrer en quoi Alise ne colle pas avec tel ou tel passage du texte !
Donc on nous dit qu’Alise est trop petite alors que Chaux est très grand.
César lui ne nous dit rien sur la taille de l’oppidum.
On ne vous dit pas en revanche qu’un oppidum de 97 ha comme celui d’Alésia (Alise) est plutôt dans les grands oppida alors qu'en face...
... on ne connaît dans la Celtique AUCUN oppidum de 1 000 ha. Le plus grand oppidum en Gaule est celui des Eduens, peuple allié de longue date à Rome : 135 ha. Salut @BibracteBeuvray et @AutunVille !
Dans le reste de l’Europe celtique, je connais celui de Manching qui faisait 380 ha à son apogée (un siècle avant la bataille d’Alésia). C'est assez énorme... Si des proto peuvent apporter des précisions, merci à eux !
Bref, Alise se fait agresser dans la ligne 2, non pas parce que le texte de César la disqualifierait, mais parce que le site alternatif défendu tacitement par l’auteur est quant à lui (beaucoup trop) grand (ce qu’il ignore… sinon il n’insisterait pas là-dessus).
Encore 1 chose : la ligne 2 indique q les troupes gauloises ne rentrent pas sur le site d’Alise. Grand argument jurassien là encore mais faux. Cf Vidal-Petit, Reddé : surprise, c’était serré mais ça rentre. Un siège, quoi. Et César confirme q les Gaulois assiégés ont souffert.
A Chaux, sur 1000 ha, on se demande bien pourquoi ils auraient souffert de la faim et auraient été amenés à sacrifier la population mandubienne.
Ligne 3. Visiblement un petit oubli ms je complète Jura-style. César dit q l’oppidum était sur une montagne et q seul un siège permettait de le prendre : or, Alise est une collinette tandis q Chaux a des gorges aussi profondes que l’argumentation de ses partisans est pénétrante.
A less partial response from science : César ne parle pas d’une montagne (mais de collis = colline), ne donne aucune indication chiffrée d’altitude et vu qu’Alise aussi a ses « falaises » (flancs sud et nord) en plus de ses remparts, le siège est plus sensé que l'assaut.
Étonnamment, César qui était sensé l’a assiégée.
Bon, petite pause pour voir ce que vous en dites.
Bon, reprise.
Ligne 4 de mon cher tableau : César dit qu’il y a deux rivières de part et d’autre de la colline.
Commentaire de l’auteur : les cours d’eau ne lèchent pas du tout la colline à Alise.
Moi : (grande inspiration)
Remarque : César dit que les deux cours d’eau baignent les pieds (subluebant) des racines de la colline (collis radices), càd que des cours d’eaux coulent en contrebas de la colline, càd dans la plaine avant que les pentes ne commencent à s’élever.
, tu dois bien avoir une coupe nord-sud avec l’Ose et l’Ozerain, les pentes douces et les escarpements du plateau ? stp ?
Autre remarque : il y a bien deux cours d’eau, un qui longe le côté nord, l’autre qui longe le côté sud. Bref, pour trouver que le texte de César ne colle pas avec Alise, c’est a minima de l’hypercritique…
Ligne 5 : devant Alésia, une plaine de 3000 pas de longueur + tout autour d’Alésia, des collines de même hauteur, Caesar dixit.
Que dit l’auteur de la fiche ? La plaine ne s’allonge pas, elle est en largeur. César dit « in longitudinem patebat ». Ce verbe signifie « être là visible », « s’étendre », il n’y a aucune notion de forme allongée. Difficile à ce stade de croire q l’auteur puisse être latiniste.
Autre argument : 3000 pas de longueur, ça ne colle pas. Je laisse la parole à un anti-Alise qui explique qu’il y a autant de manière de trouver 3000 pas que de chercheurs.
Il en déduit que c’est n’importe quoi.
J’en déduis qu’une fois encore Alise et César, ça colle.
Et notre auteur d’ajouter : « on ne voit pas ces hauteurs » : désolé mais là, j'ai perdu mon légendaire calme...
Non mais allo quoi, tu ne vois pas les hauteurs qui entourent le mont Auxois ?!
Ben, mec/meuf, retournes-y un jour sans brouillard parce qu’on ne voit que ça quand on est sur l’oppidum !

Par exemple quand on est à l’est de l’oppidum (Croix St Charles), là où Totor avait installé son camp, juste en face du camp de César, situé sur la montagne de Flavigny.
Avis à tous les fouilleurs du sanctuaire d’Apollon Moritasgus si vous avez des photos de Flavigny prises depuis la Croix St Charles, n’hésitez pas… Un peu de preuve visuelle. @Elo_Au @JuArteta @Jonhattan_V @ClementSalviani @EGuezennecPRO
"On ne voit pas ces hauteurs"
Essaie donc en ouvrant les yeux ⬇️
Ligne 6 : César mentionne un rempart autour d’Alésia, rempart de 6 pieds de haut (= 1,80 m). D’abord, il ne faut pas confondre cette petite fortification avec les murs de l’oppidum (qui ne mesuraient pas qu’1,80 m de haut !).
Rien n’est dit pour Alésia (Alise) : des tronçons du rempart gaulois ont pourtant été mis au jour par F. Creuzenet.

Quant à Chaux, « nombreuses », « hauteur remarquable », on ne croule pas sous la précision scientifique. Du coup, voici une photo pour vs donner une idée :
Ces structures jurassiennes n’ont jamais été datées, ni même relevées ou dessinées (ou alors ce n'est pas publié). Il serait plus prudent de commencer par là (relevé et description) et de réserver l’interprétation à plus tard.
Je ferai juste remarquer avec perfidie et rigueur intellectuelle que les murs d’une autre place gauloise que César décrits plus haut n’ont rien à voir avec ce grand appareil polygonal mais sans doute César se trompe-t-il…
A l’époque, la fortification gauloise, c’est du #murus #gallicus. C’est ce que décrit César. C’est cette même technique que les archéologues ont retrouvé, par exemple à #Bibracte, non loin d’Alésia…
Dernière ligne : le texte de César cité n’a pas grand rapport avec la critique adressée à Alise (à noter que la localisation du camp nord qui est ici critiquée remonte aux fouilles de 1860 et a été invalidée par les fouilles de M. Reddé) et rien n’est dit sur Chaux...
Rien sur le circuit de 11 000 pas (16,3 km), ce qui me paraît juste pour entourer les 1000 ha de Chaux.

Courage, on avance et, même, on arrive.
4e onglet : Alésia aujourd’hui.
Merci pour ce « malgré tout » qui sous-entend que les élucubrations d’amateurs auraient pu impliquer un moratoire sur les recherches.
Pourquoi finir en renvoyant aux sites internet ? dont pas un n’est pro-Alise (à part celui du @Museoparc)
Nb de ces sites sont d’interminables « argumentaires » anti-Alise qui vous expliquent qu’aucune preuve prise isolément ne vaut donc que la somme de l’ensemble ne vaut rien.
Ce n’est certainement pas en traînant sur ces sites que l’on affinera sa vision de la question. Pour ce faire, on peut en revanche lire L’archéologie face à l’imaginaire de M. Reddé, 2003 ou alors...
... les argumentaires récents publiés par des spécialistes, tel linteati.hypotheses.org/77 et linteati.hypotheses.org/80.
Mais ce n'est pas tout, il reste encore une petite puterie-anti-Alise finale : l'illustration.
Il s'agit d'une monnaie arverne, un statère d'or de Vercingétorix, issue du trésor de Pionsat qui a été placée dans le mobilier des fouilles d'Alise pour complaire à Napoléon III. On le sait. On ne prend donc pas en compte cet artefact.
En revanche, on prend en compte les monnaies en laiton qui ont été trouvées à Alise (et là, c'est certain) et qui ont été frappées avec les coins de Vercingétorix, ce qui signifie qu'il était dans le secteur...
Cette illustration non commentée est une belle pique et illustre une n-ième fois le caractère biaisé de cette fiche-ressource.
Dernier onglet, la bibliographie, qui confirme l’impression générale. 50% Alise, 50% Chaux des Crotenay. 0% pour les autres Alesiae alternatives. Michel Reddé qui a fouillé le site dans les années 1990 : non cité.
Dans les pro-Alise, 2 ouvrages de 1929 et 1958.
Mais deux ouvrages cités pour la seule Danielle Porte, spécialiste de langue latine, d’Ovide et d’opéra italien…
Quant à la sitographie, elle est très orientée Chaux des Crotenay.
En somme, que dire de ces fiches Canopé qui devaient faire découvrir la controverse sur la localisation d’Alésia et former à la critique des sources ? Elles diffusent l’idée qu’au mieux on ne sait pas où est Alésia, au pire qu’il est certain que le site officiel est bidon.
Par ailleurs, réduire la question de l’identification d’Alésia au texte de César est une erreur : cela conduit les pro-Jura à surinterpréter la description (succincte et peu précise) de César afin qu’elle ne corresponde pas au site d’Alésia-Alise.
Cette interprétation abusive ne correspond pas à Alise, certes, mais le texte de César, lui, correspond.
L’identification d’Alésia, n’en déplaise aux pro-Jura, n’est pas qu’une affaire de sources textuelles ms aussi et surtout de sources matérielles/archéologiques. Plusieurs 100n de monnaies romaines et gauloises (des peuples coalisés), des armes romaines, gauloises et germaines…
C’est assez triste que des collègues de lettres classiques ou d’histoire puissent tomber sur une telle « ressource » et, faute d’autres informations, soient susceptibles de porter à la connaissance des élèves un discours révisionniste.
Dommage de ne pas enseigner qu’un ouvrage publié chez un éditeur scientifique n’a pas la même valeur qu’un ouvrage publié à compte d’auteur ou chez un éditeur inconnu au bataillon ou qu’un blog ou qu’un site perso ou qu’un documentaire TV !
Je m’excuse d’enfoncer avec autant d’élan une porte aussi largement ouverte mais bon…
Question q je me pose tjs avec les tenants d’une localisation hétérodoxe d’Alésia : est-ce par manque ou par excès d’esprit critique qu’ils se fourvoient ? et chez les relayeurs de ces théories alternatives, quelle part de bonne foi et quelle part de malhonnêteté intellectuelle ?
Pourquoi préférer une croyance plutôt que le consensus scientifique international ?
Pourquoi cet acharnement autour de la localisation d’Alésia, et pas de Pompéi ? (désolé, Pompéi, si je leur ai donné une idée)
Qq'il en soit, le @reseau_canope et @EducationFrance pourraient, je pense, davantage se fier à leurs collègues du @CNRS, de @sup_recherche, du @MinistereCC. Non pas pqu’il s’agit de perpétuer le complot d’Etat fomenté par Napoléon III, voire par cet obscur moine Herric du IXe s.
Mais parce que l’esprit critique, ce n’est pas gober les théories farfelues qui foisonnent sur internet (mais qu’on n’entend jamais dans les colloques, qu’on ne trouve jamais publiées chez les éditeurs scientifiques) ou tout simplement au nom de la lutte contre les #fakenews.
C’est d’autant plus crucial que celles et ceux qui vont enseigner aux élèves soient correctement informés / aidés et que les impostures soient déconstruites.
Thread que je dédie à la mémoire de Christian Goudineau, fréquemment attaqué par les forceurs du Jura.
unroll
Rendons à César ce qui est à César : voici une autre ressource sur Alésia du @reseau_canope (CNDP, 1998)
reseau-canope.fr/tdc/tous-les-n…
Vidéo bien menée, claire et sans la moindre allusion aux zozos des Crotenay.

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